Et de me tourner et retourner dans tous les
sens pour voir s'il ne me manque rien, si tous mes tiroirs sont bien placés, si
tous les angles sont bien arrondis, si mes quatre pieds sont bien solides et si
-enfin- je fonctionne vraiment comme un coffre vénitien digne de ce nom.
Eh! oui, je suis un petit coffre doré à l'or fin, peint dans des
tons de bleu turquoise, enforme de croissant de lune et avec trois tiroirs.
Je suis destiné à la très chère épouse de Monsieur Guiseppe Mortolini et je suis
ainsi un tendre petit coffret. Je
vais enfin pouvoir commencer une vraie vie de coffre vénitien.
Et voilà que les mains habiles et rugueuses de mon maître
Guiseppe m'enveloppent et me placent dans une matière soyeuse et qui crisse sous
ses doigts: c'est tout doux comme nouvelle sensation! Mais, très vite, je me
sens à l'étroit et en plus, Guiseppe pour finir, m'entoure avec un matériau qui
me serre beaucoup! Au secours! J e n'entends plus rien, je ne sens plus rien
et je commence même à étouffer. Que se passe-t-il ? Où suis-je? Que vient de me
faire mon maître adoré? Pourquoi me fait-il souffrir? Je
ne sais pas ce que l'on m'a fait, je ne connais pas les matières dans lesquels
on m'a enveloppé, je démarre tout juste dans ma vie de coffre! Non seulement je
me sens mal et à l'étroit mais en plus c'est l'inconnu complet, ce nouvel
univers dans lequel j'ai du mal à respirer.
Heureusement que je ne reste pas trop longtemps dans
ce papier cadeau, entouré de ce bolduc qui m'emprisonne- je l'apprendrais
plus tard au cours de ma très longue vie mouvementée de coffre qui va voyager
dans plusieurs siècles. J'avais oublié de vous le préciser: je suis un coffre
claustrophobe! Je dois respirer, ouvrir mes tiroirs, les refermer, changer de
place et cela très souvent. J'aime changer d
'endroit: je vais d'ailleurs en avoir souvent l 'occasion, c'est passionnant une
vie de petit coffre, vous allez vous en rendre compte.
Donc, je suis enfin délivrée par des longues mains
douces qui dénouent délicatement ce que j'apprendrais plus tard être un ficelle
pour papier cadeau. Et c'est une voix aiguë et douce qui va pousser un cri de
joie devant ce cadeau d'amour:" Oh! qu'il est mignon! Quel merveilleux petit
coffret! Oh! Que c'est gentil, Guiseppe ! " Et là, j'entends un bruit de
frou-frou ( c'est Mme qui se déplace) et un bruit de godillots qui se
rapprochent et puis, j 'entends le silence, eh!oui!, moi je suis
privilégié ,je peux l'entendre! Et un ange passe et il y a du bonheur dans ce
petit bout de temps qui s'arrête. Les froufrous et les godillots se
sont beaucoup rapprochés tout doucement et j'entends des tas de petits bruits
assez indéfinissables:je ressens simplement que tout s'est détendu autour de moi
et que le bonheur est là, simplement là ,dans la pièce où je me trouve avec Mr
et Mme Mortolini.
Et puis, la suite, je ne peux pas vous
la conter car il y eu des petits bruissements des couinements, et puis, j'ai
bouché mes oreilles de petit coffre pour ne pas être indiscret. Et puis, je suis
trop petit encore, ce n'est pas de mon âge, je n'ai pas tout compris et vous,
vous êtes trop pudique pour m'en demander plus.
Et après, me direz-vous? Que s'est-il passé ?
Et bien, j'ai
continué ma vie de petit coffre confortablement installé sur la table de
chevet de Marietta Mortolini. Tous les matins, Marietta m'ouvre doucement me
met des jolis bijoux dans mes tiroirs- oh! Le doux bruit de l'or dans le tiroir!
- et me referme très délicatement . ElIe prend soin de moi, Marietta, elle m'
époussète très souvent avec son plumeau et je me sens beau comme un sou neuf Je
suis bien dans cette chambre et elle parle souvent de moi: je me sens bien quand
je l'entends parler de moi. Je suis très aimée dans cette demeure. J'y coule des
jours heureux. Mais, pourquoi, Marietta, un soir, s'est-elle mise à gémir tout
doucement puis de plus en plus fort ? Elle s'était couchée et elle gémissait
de manière désordonnée je n'avais jamais entendu ce bruit dans ma vie encore
assez courte de petit coffre vénitien .Je suis à côté d'elle et je ne peux rien
faire car je sens bien que ce ne sont pas des bruits de bonheur Je l'entends
souffrir et c'est dur d'entendre souffrir les gens que l'on aime. Et un matin, le bruit ne me parvient
plus et Marietta ne parle plus, ne gémit plus et ne respire plus. Je me sens
déplacée et les mains rugueuses de mon maître Guiseppe me déposent délicatement
dans le couloir où je vais entendre des voix nouvelles et des pas inconnus et où
je vais souffrir de courants d'air incessants et des portes qui claquent: je ne
me sens pas bien car je suis dans un endroit de passage et personne ne
s'intéresse plus à moi.
Quelque temps plus tard, alors que je
crois que l'on m'a oublié, les mains crispées de Guiseppe me prennent et me
déposent dans une main toute gantée, une main jeune. J'ai déjà entendu la voix
qui correspond à cette jolie main toute fine du temps de ma maîtresse Marietta
Guiseppe . Je me souviens du prénom de Luisa: ce n'est donc pas tout à fait une
inconnue. Et je sens que je sors de la maison de Mme Mortolini car le froid me
saisit très brutalement et je me recroqueville dans la main de Luisa .Et je découvre ma nouvelle résidence et la nouvelle vie qui
m'attend. Pourquoi cette jolie main gantée n'ouvre plus mes tiroirs qui ne
demandent que ça ? Un petit coffre adore être ouvert, rempli, vidé, nettoyé,
épousseté. Et pourquoi est-ce que je me retrouve dans le noir dans une
immense commode? Oh! que le temps me paraît long! Je
ne ressens rien ou presque rien, j'ai l'impression d 'être anesthésié j'étouffe
même un peu et je n'ai que l'odeur du linge propre et repassé pour me tenir
compagnie.
Un beau
matin, enfin, je ressens une secousse un peu brusque et je suis sortie de la
commode par une main qui me retourne dans tous les sens. J'entends une voix
assez banale et sans intonation particulière: je ne ressens pas de chaleur
particulière dans cette voix monotone. Il faut dire que je suis un coffre
aveugle mais je suis devenue très doué pour reconnaître les différentes voix et
pour comprendre les émotions qu'elles expriment. Cette main aussi insignifiante que
la voix me tâte et semble ne pas savoir quoi faire de moi: elle me pose et me
dépose à plusieurs endroits différents sans jamais trouver le bon.
Quelques jours plus tard, je sens que je change de maison car
je retrouve les sensations du monde extérieur-le vent, le froid, plein de
bruits, des cris, ...etc. - et enfin, je me retrouve dans une nouvelle demeure
toute propre :je la sens l'odeur de la propreté .Ici, je sens l'encaustique un
peu partout et il y a très peu de bruit. Je viens d'arriver chez Mme Mélanie
Ameretti :je vais apprendre son nom car son fils vient souvent la voir et la
complimente sur ce petit coffret reçu en cadeau. Mélanie a une belle voix
posée, charmante, et calme: il lui arrive même parfois de fredonner des
ritournelles ou des berceuses et c'est beau à entendre .j'aime me laisser bercer
par ces douces mélodies quand ma nouvelle maîtresse se coiffe devant sa table de
toilette. Il faut dire que je suis encore installée dans la chambre - pièce
privilégiée s'il en est une - et j'entends parfois des tas d'autres bruits -
durant mes nuits d'insomnies- eh!oui! Un petit coffre peut avoir lui aussi
ses angoisses- comme des ronflements, des ablutions et aussi des litanies au
moment de la prière du soir. Et je recommence une nouvelle vie de petit
coffre tendre avec des tas de bijoux qui sont installés tendrement dans mes
petits tiroirs. Ma nouvelle maîtresse m 'a mis du satin dans le fond des tiroirs
pour que je n'ai pas mal quand elle dépose ses bijoux. Je suis traitée avec de
la douceur, de la considération et beaucoup d 'égards je suis dépoussiéré tous
les jours et mes tiroirs sont tirés avec délicatesse Je me sens revivre comme un
objet très précieux. Pourquoi faut-il que je réentende comme un leitmotiv le
râle de la mort qui s'approche de nouveau? Pourquoi Mélanie est-elle en train
de s'éteindre tout doucement? Et j'entends - à côté du lit de Mme Ameretti
-la voix de son fils Alfonso qui lui parle tout doucement et qui l'accompagne
dans ses derniers instants. Je sens la chaleur des bougies qui veillent
Mélanie Amaretti , j'entends les prières et les chapelets des voisines qui sont
venues pour la veillée funèbre et je sens l'odeur de l'encens quand le prêtre
est venu délivrer l'extrême-onction. Je reste tranquille et je veille moi
aussi pour le dernier voyage de Mme Amaretti. Je vais être oublié sur ma table de chevet pendant quelques
jours et je me sens maintenant bien seul et triste dans cette chambre
vide.
Un matin de printemps, quand le soleil
commence à apparaître à travers les rideaux entrouverts je suis saisi par une
main velue et sans aucune délicatesse. Je sens que je me retrouve dehors et
j'entends le hennissement des chevaux. Je me retrouve ballotté et tout va
très vite.
Je me retrouve dans une grande pièce que j'identifie comme étant
un salon- je reconnais les pièces maintenant car je suis un coffret qui existe
depuis presque un siècle maintenant - et je suis dans un univers fermé, hostile,
presque agressif: il fait froid dans cette pièce où la main velue m'a déposé
sans ménagements. Je suis au milieu de cette pièce, je n'ai pas de place
précise, je suis juste posé là comme un vulgaire objet: je n'ai pas de vie
propre. J'entend des tas de bruits différents, de verres qui s'entrechoquent, de
paroles rudes des appels, de pas de toutes sortes: bref je n'ai aucune intimité
et je suis au milieu d'une famille peu chaleureuse. Et c'est une famille
nombreuse dans un appartement assez exiguë: il y a des enfants qui courent, se
disputent, se battent et se chamaillent;il y a un chien qui gémit et gratte les
meubles et le tapis. Il y un homme, ce doit être le mari, qui est toujours
pressé et qui ronchonne souvent et enfin, il y a une brave femme, la mère je
suppose, qui est débordée du matin au soir et qui s'occupe tout le temps et de
tout le monde. Et au milieu de tout ce brouhaha, personne ne s'occupe de moi
ni de la brave femme non plus d'ailleurs. Je me sens abandonné dans ma nouvelle
famille d'adoption, complètement et lamentablement abandonné!! ! Et ne
vois-tu pas qu'un jour - qui ressemble à n'importe quel autre jour - sur mon
buffet, au milieu de ce salon, j'ai entendu les mêmes bruits d'amour comme le
jour de ma naissance . Là, j'avais grandi un peu quand même et j'ai reconnu les
soupirs d'aise et de contentement: mais ce qui m'a paru bizarre, c'est que je
n'ai pas reconnu la voix de la brave femme! Et pour cause!! Un bruit de
charentaises m'avertit qu'une troisième personne non invitée aux festivités
vient d'apparaître:un bruit d'assiettes cassées des hurlements des cris
stridents s'ensuivent. Je me fais tout petit sur mon buffet je ne suis qu'un
petit coffret vénitien d'accord mais petit tout de même. Bien
m'en pris car un sifflement se produit près de mes oreilles et la soupière de
belle-maman vient s'écraser tout près de moi.
Un peu plus tard, une fois le calme revenu,
les mêmes charentaises reviennent et se rapprochent dangereusement de moi: je
suis alors soulevé sans égards pour mon âge avancé et je sens que la main gantée
est empreint d'une violence inouïe. Je suis alors enfermé- encore dans un
contenant tout mou- ce doit être un vulgaires sac à provisions et je sens
d'ailleurs un relent d'odeur de poireaux qui chatouille mes narines. Et me voilà reparti, je suis trimballé,
sorti du sac, remis dans le sac soupesé tripoté, examiné sous toutes les
coutures Je suis devenu une simple marchandise et cela me stresse.
Enfin, je me retrouve dans un endroit
calme-je suis devenu une marchandise mais j'ai droit à des égards vu mes états
de service précédents - et je suis manipulé avec délicatesse par un vieux
monsieur qui s'occupe de moi:c'est un antiquaire romain qui adore ses antiquités
et il a du mal à les vendre car il y est attaché: c'est un crève-cœur le jour où
le petit coffret est racheté par un collègue de Paris. Mais, bon, l'antiquaire
pense que le petit coffret vénitien va avoir l'occasion d'aller voir la plus
belle ville du monde et il est content pour lui.
Je me retrouve dans un endroit
tranquille, un peu poussiéreux un peu sombre, au milieu d'autres meubles c'est
très reposant après ce grand voyage entre Rome et Paris, enfermé de nouveau dans
un grand sac de voyage. Il y a d'autres meubles à côté de moi et dés que la
nuit tombe, nous nous parlons ,en fait, nous chuchotons mes nouveaux amis sont
les deux grandes armoires normandes une jolie bonnetière, une superbe horloge,
une commode Louis XV ,un canapé en cuir et une très élégante table de toilette
en bois exotique Je suis le plus petit et tous ces meubles anciens m 'ont pris
sous leur protection. Toutes les nuits, dés que l'antiquaire très âgé et très
doux est rentré dans sa vieille maison, nous devisons gaiement et nous nous
racontons toutes nos aventures. Parfois elles sont cocasses mais nous faisons
attention de ne pas rire trop fort car nos boiseries sont un peu
ébranlées. Parfois, ce sont des épisodes plus tristes et nous nous consolons
mutuellement. Tous les matins, nous souhaitons toujours qu'aucun acheteur ne
vienne nous séparer et nous enlever à ce vieux monsieur bienveillant et qui ne
vend pas grand chose. Je suis bien là ,je veux qu'on m'oublie, je veux rester
avec ma nouvelle famille et je me sens bien protégé:j' ai déjà bien bougé dans
ma vie de petit coffre, j'aimerais bien rester là.
Et patatras un jour, une
voix aigrelette s'approche de moi et je sens une main gantée de cuir me saisir:
c'est une sensation étrange qui me saisit, non pas de froid mais plutôt de peur
car c'est l'inconnu de nouveau. La dame pousse des petits cris aigus et peu
rassurants Ses doigts me tripotent avec fébrilité et nervosité. Que vais-je
devenir? Je suis arraché à ma nouvelle famille, je n'ai pas le temps de leur
dire adieu que déjà, je suis enveloppé dans du papier de soie, avec le bruit
trop familier des écus dans le tiroir caisse: plein d'écus tombent dans le
tiroir de l'antiquaire. Je ne savais pas que je pouvais avoir autant de valeur!
! ! Et je me retrouve dans un univers tout feutré, une sorte de boudoir et
j'entends souvent des petits cris aigus et qui se veulent admiratifs, je suis au
milieu du boudoir et je suis simplement un objet de décoration, une sorte de
potiche en quelque sorte! J'entends des bruits de cuillères à thé, des
chuchotements, des cancans qui m'exaspèrent au plus haut point: mais, bon, je
suis au chaud, je suis dans une demeure riche, mais je ne suis qu'un objet. Je
me sens très seul. Je crois me souvenir que l'on m'a changé de pièce un jour et
que je me suis retrouvé dans une chambre mais cela n'a pas duré trop
longtemps. Après, c'est l' isolement total, l'oubli et
l'enfermement pendant une période très longue: je crois que j'ai dû m'endormir
,je me sens une âme de la Belle au Bois Dormant!!
Et ,une après-midi d 'hiver, une adorable petite
frimousse rousse se penche au-dessus de la vieille malle dans lequel je m'étais
endormi. C 'est une petite voix d'enfant toute douce , toute fragile que
j'entends au dessus de moi car je suis rangé au milieu de vieux jouets, de
vieilles dentelles et de vaisselle ébréchée Une petite main toute menue va me
soulever de ce fatras et me faire surgir une nouvelle fois - une renaissance
peut-être- et je suis regardé admiré, réparé, épousseté par cet adorable enfant
surgie comme par magie. La petite Lucia va m'installer dans sa petite chambre
où sont installés des tas de Poupées Barbie toutes plus belles les unes que les
autres:il faut dire que Lucia en fait collection et que sa maman lui en ramène
le plus souvent possible. Lucia n'est pas une enfant gâtée ne croyez pas cela, c
'est plutôt une enfant que la vie n'a pas gâtée justement, c 'est
une enfant malade et sa maman cherche à lui donner du plaisir pendant qu'elle
est encore là. Et moi, le petit coffret vénitien, qu'est-ce que je deviens
dans tout cela, au milieu de toutes ces princesses-poupées? Eh! bien, je vais
recevoir garder conserver tous les habits de nos poupées et je vais y faire très
attention:je ne veux pas que les habits soient froissé alors, j'ouvre mes
tiroirs le plus grand possible pour que la petite menotte de Lucia puisse placer
délicatement les parures de ses jolies amies. Et Lucia chantonne- oh!pas trop
fort, car elle n'a pas trop de souffle - et elle parle aussi à ses poupées
elle me parle aussi: des fois, elle est triste, à ce moment là, elle me
parle beaucoup à moi et je suis tout ouie, je tourne mes tiroirs vers elle, je
me penche un peu vers elle et le temps passe ainsi et je sais qu'elle a un peu
moins mal et moins peur aussi. Elle sait que le temps est compté elle ne veut
pas que sa maman la voie pleurer alors elle me parle, elle sait que je serais
muet comme une tombe, elle sait que je suis son ami, qu'elle peut avoir
confiance. De jour en jour, sa voix devient plus
cristalline et moi aussi, je sens que je m'affaiblis, mes pieds de petit coffret
deviennent plus fragiles.
Maintenant ,Lucia ne quitte plus son lit et je suis à côté d'elle
sur sa table de chevet:sur son lit ,sa maman a placé toutes ses poupées
Barbie ce qui fait un peu ronchonner le médecin quand il vient pour l'examiner:
mais, bon, on lui pardonne c'est un homme et il ne veut pas montrer sa
tristesse de voir partir sa petite malade préférée ,alors, il râle un peu pour
la forme, un homme ,ça ne pleure pas, un homme ça ne lave pas les yeux!!! Je
me sens bien à côté de Lucia, je suis avec elle et je suis tellement en osmose
avec elle que je décline avec elle et mes forces me trahissent :j'ai de plus en
plus de mal à ouvrir mes tiroirs. Un soir, j'ai entendu, au lointain, les mêmes
râles qu'il y a bien longtemps au tout début de ma vie de petit coffret vénitien
- vous vous souvenez quand ma maîtresse s'appelait Marietta Mortolini, moi, je
ne l'ai pas oublié car elle était vraiment la plus gentille des femmes - et je
les ai entendu très loin ces râles caractéristiques car moi aussi je partais
aussi très loin au pays où les enfants n 'ont plus mal.
il n'y a plus
de peur, il y a juste une sorte de lumière plus douce, les couleurs ont du
s'adoucir pour Lucia et elle a pris son envol. Moi, j'ai attendu un peu pour
être sûr qu'elle était bien et je me suis envolé à mon tour. Vous, vous avez
dû voir pleurer la maman de Lucia, maman qui avait oublié de fermer la cage de
son enfant oiseau. Vous, vous avez dû voir la maman de Lucia me prendre ,moi,
le petit coffret vénitien et me mettre dans la boite en bois ,autour des bras de
la petite fille. Vous, vous avez dû
voir la boite se refermer et le long cortège tout noir et les fleurs, et les
pleurs et les serrements de mains et le prêtre...etc.
Lucia, la petite fille d'origine italienne, moi, le petit
coffret vénitien, tout cela ne nous intéressait déjà plus et nous sommes partis
main dans la main. Nous reviendrons vous voir de temps en temps mais nous
serons peut-être devenus des lutins, des elfes, des fées ,que sais-je encore,
mais nous sommes juste dans la pièce à côté. Au revoir.
Michèle D
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