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Devant moi, il y a un homme, il n’attend pas, il est seul. Il y
a moi qui le regarde, mais il est seul. Devant moi, il y a un dos. C’est beau le
dos d’un homme. Tout à l’heure, il s’est assis au bout du banc, il a posé son
chapeau à gauche, et il a commencé à écouter la neige.
Maintenant il ne s’arrête plus d’écouter, et moi je reste
là, à le regarder écouter. Je me retourne et je ferme doucement la porte. Dans
la pénombre la télé vrombit doucement. Dedans, il y a une foule, une foule
qui ne se tait que parce que le son est coupé, une foule qui regarde en
l’air qui écoute ce qu’elle regarde. Une mouche vient se poser sur mon bras,
elle interrompt son zinzin le temps d’une caresse introspective, puis se pose
sur le rebord d’une tasse et brusquement décolle vers la clarté de la chambre.
Je m’arrête sur le pont qui enjambe la voie de chemin de
fer. Il y a toujours le panneau qui invite à ne pas se pencher. L’odeur des
quais remonte à mes narines. En bas, il y a un homme. Un homme qui fait les cent
pas devant la gare vide. Il attend. Je regarde le panneau « danger de
mort », et je tâte le revolver dans ma poche. C’est une belle imitation,
mais l’utiliser, même par jeu, me dérange. Ce que j’aime en revanche, c’est le
petit claquement du chargeur, la légère fumée au bout du canon et l’odeur
particulière de la poudre. Je suis sur la passerelle qui longe la cité des
anges. Même la neige ne lui rend pas grâce. C’est peut-être un peu plus poignant
comme Berlin dans ce film de Wim Wenders.
Les boîtes aux lettres alignées me regardent de leurs yeux
vides. Des prospectus publicitaires tirent la langue. Je ne sais pas si elles
ont déjà reçue une lettre d’amour. Le mur de béton derrière ressemble à une
vieille estampe. Un immeuble ancien qui sent l’humidité, un carrelage en damier
de ciment, un vieux radiateur en fonte, au mur, un porte manteau en crochet, et
puis la cage d’escalier, un bel escalier en bois dans une grande cage éclairée
par des fenêtres. En haut, pas de judas, la porte est entrouverte, je ne vois
que la moitié de son visage, je ne vois qu’un œil, un œil qui me sourit.
Je voudrais continuer éternellement à monter cet escalier
dans cette cage lumineuse, vers cet œil qui me sourit.
Là, on est assis, on est assis sur un banc et on est deux à
ne pas attendre, et à écouter l’arbre, étirer ses doigts, un à
un.
céline D
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Ma cité est sous la neige. C’est arrivé dans la nuit. Je
décroche la parka du clou de la porte et je descends voir ça de plus près. Dans
la cage d’escalier, la mère de Messaoud se lamente déjà. Moi, je m’en fous, si
je ramène de la neige sous les baskets, je passe la serpillère et puis c’est
tout, on n’va pas en faire des caisses ! Joss est en bas, appuyé contre
l’escalier, face à la porte vitrée, une clope à la bouche. Il regarde les
mioches se balancer des boules de neige. Il remonte sa capuche sur sa casquette,
et les mains dans les poches, il reste là à glander dans le hall comme tous les
jours.
Je le salue d’un bref mouvement de tête, il me le rend. Je
me dirige vers la boîte aux lettres. Trop tôt, trop vide. Remarque je me demande
ce que j’espère. Je vais voir Joss. Il m’en tape 5, et tous les deux, côte à
côte, nous regardons les petits se mettre des peignées glacées. -«
Alors, t’es avec Fati, il paraît ? » Je regarde le nuage chaud qui
sort de sa bouche. « - comment tu sais ça toi ? » -«
c’est écris sur la boîte aux lettre commune… » Me répond t’il. -«
c’est des conneries ! » fais-je en m’approchant de la boîte.
Effectivement. Fraîchement gravée, une inscription : Mouss et Fatima =
amour éternel. Je ricane, puis je reviens vers Joss qui a posé ses fesses sur la
deuxième marche. « Zyva, c’est ma sœur, elle veut me faire la honte, j’suis
sur, attends, tu m’vois avec la grosse Fati, tu délire ? » Il me regarde
avec son regard de grand frère. L’œil attentif, presque paternel, avec pourtant
cette lueur amusée nichée au fond. « Si tu as quelque chose à me
dire… » Semble t’il exprimer. Je hausse les épaules et porte mon regard
vers les obscures profondeurs qui noient la porte de la cave. La lumière sale
venant du soupirail du sous sol, n’arrive pas à cacher les tags de mon frère,
qui lui valurent un fessage régulier accompagné de hauts cris par ma daronne,
alors qu’il avait mon âge. Joss reprit : -« tu fais ce que tu veux
après tout… En tout cas, elle, elle cherche à s’en sortir.» -«
ouais… » Je réponds laconiquement, mes lèvres restent scellées pour les
excuses bidons qui traînent dans ma tête, du genre : « ça ne regarde
que moi ». Un événement vient faire diversion : face au hall B,
seul et malade, un grand arbre dénudé, recouvert de neige, s’étale sous nos
regards. Jean pat’ vient d’y appuyer brutalement son scooter pour courir après
un gamin qui lui a jeté une boule de neige au passage. Un paquet de neige glacée
se décroche des branches, et vient ensevelir l’engin sous un tas blanc. On est
mort de rire. Jos ouvre la porte et crie : -« jean pat, tu t’es acheté
un scooter des neiges ? » -« va mourir !» Est la seule
réponse qu’il obtient d’un jean pat dégouté. Je suis plié en 2 de rire. Puis,
mon rire se bloque et s’éteint. Je viens de voir Pascal sur son banc, à moitié à
poil dans la neige. Il me tourne le dos et contemple quelque chose qu’il est
seul à voir. Jos qui a suivit mon regard se calme aussi, puis me demande
–« tu es allé lui parler ? « Non, fais-je de la tête. Moi
aussi, j’ai perdu mon père, mais c’était il y a longtemps, et je n’ai pourtant
pas les mots qui consolent. C’est comme ça. Le deuil de Pascal l’isole de la
bande, mais personne ne va le voir. Je sors quand même, fais quelque pas
vers lui, pour enfin revenir dans l’immeuble en regardant que mes chaussures.
Nous étions 300 au moins, ce jour là, Toute la cité, pour voir son père se jeter
du haut de l’immeuble. Pascal, nous le pardonneras jamais, mais qu’est ce qu’on
peut y faire ? Dans la téci, un bon tiers des adultes se retrouve aussi
sans emploi…. Tout le monde ne réagit pas comme ça. Joss me regarde revenir.
Pas un mot. Juste que la lueur dans son œil a disparu. Je ne souhaite pas lire
ce qui la remplace. Près de la corbeille à pub, sur un emballage déchiré de
barre chocolatée, une mouche se délecte. Je me mets à concentrer tout mon être
vers elle, attendant un commentaire qui finit par venir : - « tu étais
son meilleur pote avant…. Fais un effort, sinon, il a perdu plus que son
père. » Je crache par terre pour me donner une contenance et me
lève pour appuyer le front contre la porte vitrée froide. Sur ma droite, le quai
de la petite gare de banlieue, avec ses bâtiments à moitiés détruits recouverts
d’une neige marronnasse fait encore plus sale que d’habitude. Ça me rappelle des
images de guerre vues à la téloche. Un train s’y arrête à l’instant d’ailleurs,
j’ai confusément l’envie de le prendre, mais pour aller où ? Le silence
dans le hall est trop long. On n’entend même plus les mioches jouer à
l’extérieur. Je sens le regard de Joss me forer les épaules. –« va lui
parler, mouss ! …. Tu sais, il y a chtarbé qui lui a vendu un gun,
hier…. A mon avis, ça craint, vu comme il est parti, il va faire une connerie…»
Je compte jusqu’à
trois, je prends ma respiration et me tourne vers lui. Il est là assis sur les
marches, n’attendant qu’une chose au monde : que je prenne ma décision. Je
soupire : - « ok, je vais lui parler… s’il a un gun… » C’est
peut-être une excuse bancale, mais c’est celle qu’il me fallait. Je sors, cette
fois pour de bon. Je m’approche du banc, je m’assois à coté de Pascal, je me
glace le cul, mais je me sens attendu, alors… Enfin, je me lance : - Belle
journée sous la neige, non ? Pascal tourne la tête et me sourit, puis après
un silence fragile, me réponds : -« maintenant, oui. »
éric
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L'iceberg végétal déplumé
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé Je le
considère avec admiration Et je retiens ma respiration Pour pouvoir
l'entendre chanter Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal
déplumé Comptez dix pas de chaque côté A mon signal, vous vous
retournerez Pour pouvoir sur l'autre tirer Il est planté là, au milieu,
l'iceberg végétal déplumé Je suis ton fidèle mirador et de l'aube jusqu'à
l'aurore Je ne me lasse pas de toi Il est planté là, au milieu, l'iceberg
végétal déplumé Il préfère lui tourner le dos De peur que ses larmes lui
coulent à flots Il n'arrive pas à oublier, les initiales sur coeur
gravées Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé Regarde ce
qu'ils font de nous Papiers imprimés sitôt jetés Qu'ils m'obligent à
héberger Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé De mon
espèce, je suis hélas, le dernier Vous étiez pourtant au courant du
danger Mais vous n'avez rien voulu entendre Il est planté là, au milieu,
l'iceberg végétal déplumé Nous t'envoyons nos plus belles feuilles
d'automne Ne les prends surtout pas pour des espionnes Elles sont là pour
te réconforter Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal
déplumé J'aurais jamais du te quitter Toi l'arbre qui m'a vu grandir Là
sur le quai j'ai décidé de te revenir Il est planté là, au milieu, l'iceberg
végétal déplumé Zigzaguant comme un zombie zinzin Zieutant le zénith et le
retour du Zéphyr Pour bronzer et croiser sur tes branches, l'amour Il est
planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé Je suis l'escalier du bonheur
Qui va de la chambre à ton coeur Car je le sais tu est vivant Il est
planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
malib'
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Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de
bois dans sa cage lumineuse. L’œil de Dada observe le damier et décide
Picabia à le coller sous une Joconde imberbe cette fois là. C’est ce qui
s’appelle avoir l’esprit d’escalier !
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Un coup de revolver, la chute d’un corps par
dessus la rambarde de l’escalier, une flaque rouge sur les carreaux noirs et
blancs.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. En face, il y a deux arbres, en face, il y a
deux maisons cossues, mais c’est dans celle de droite qu’il est, je le
sais.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Il l’a descendu et il est parti à la gare
sans horaires. Le quai était vide.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Ils regardent tous en l’air comme moi sur le
pas de la porte, plantée devant lui.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. La passerelle, un escalier ouvert, un
escalier dehors, enneigé.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Une mouche zonzonne contre la fenêtre, puis
soudain, elle s’envole aspirée par la cage d’escalier.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Dans le vestibule, juste avant de monter,
j’ai disposé un ensemble de vieilles boîtes aux lettres où ranger du courrier
déjà ouvert.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. L’arbre va être abattu, et il paraît qu’on en
fera un escalier.
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse. Il est assis sur un banc, elle est assise sur
des marches, qui se lèvera le premier pour rencontrer l’autre ?
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier
de bois dans sa cage lumineuse.
céline D
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Le monologue d’une mouche en ballade.
Un œil qui me
fixe
Cela peut être un risque Sauf si c’est un œil qui louche…. Y a de
l’aventure aussi chez les mouches…
Cette foule, tous ces gens en masse Qui regardent en l’air,
ça me tracasse On dirait qu’ils gobent les mouches… Y a de l’aventure
aussi chez les mouches…
Un quai de gare désert Un homme seul qui erre Bien peur
que ce soit louche… Y a de l’aventure aussi chez les mouches…
Boites à lettres alignées Espoir et attentes
résignées Voilà sur quoi ça débouche… Y a de la poésie aussi chez les
mouches…
Un homme qui médite Voilà un drôle de rite Et pourtant ça
me touche…. Y a de la poésie aussi chez les mouches….
Ce pistolet, dans ce pays, en vente libre Vie et mort en
fragile équilibre Et s’il restait des cartouches ? Y a de la
philosophie parfois chez les mouches….
Ce bel arbre en hiver Il espère un colibri, un pic
vert Un écureuil, une taupe, sur sa souche… Y a de la philosophie parfois
chez les mouches….
Les habitants des immeubles de banlieue Croient ils que ça
ira mieux En chantant sous la douche ? Y a des citadines aussi parmi
les mouches…
Cet escalier en colimaçon A chaque étage un paillasson Et
des lits blancs où on se couche… Y a des citadines aussi parmi les
mouches….
Deux maisons mitoyennes Petites vie moyennes Leur air de
sainte nitouche… Y a des citadines aussi parmi les mouches….
yveline
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Ils seront tous là, sur la dalle, les yeux rivés vers la
cité Youri Gagarine. Ils auront été parqués derrière des barrières de sécurité.
L’urbaniste arrivera avec le maire et des pompiers,on n’entendra
pas une mouche voler. Il tirera un coup de pistolet en l’air et ce sera le
signal. Les tours insalubres, construites après guerre, seront dynamitées et
s’affaisseront sur elles mêmes. Les yeux ouverts l’instant précédent, seront
pleins de poussière, ils tousseront tous.
Pas une larme de tristesse, tous partageront la liesse de cet
instant magique ou 40 ans de ghetto seront liquidés. La périphérie de la
ville, cette verrue hideuse sera effacée….
Que dira-t-ont dans la banlieue bourgeoise ? Qu’en
penseront les petits vieux des villas jumelles construites avant-guerre, avec
leurs arbres et leurs jardinets ? Et les habitants du centre ville, dans
leurs immeubles cossus avec leurs escaliers de bois et leurs rangées de boites à
lettres, se sentiront-ils menacés ou libérés ?
Les quais du R.E.R. resteront vides…Plus de travailleurs
maussades dans les matins blêmes.
Ils seront tous à la campagne et vivront -par choix- avec juste
le nécessaire. Chacun prendra le temps de vivre, apprendra la
méditation, en regardant les arbres pousser.
Nous arriverons un jour à la décroissance, même si cela doit
passer par la destruction de certains des acquis des 30 glorieuses !
Nous n’attendrons plus demain, nous l’inventerons !
yveline
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Du futur rien que du futur
Il n’y aura pas de morts, pas d’absences et de départs, pas de
grands ensembles sinistres sous une neige maculée, pas de quai de gares où se
côtoieront les solitudes, et de cages d’escaliers où se croiseront des êtres
anonymes. Vous accepterez donc que le revolver n’ait pas non plus sa place
dans ce récit futuriste, une histoire gaie ne supporte pas l’idée même d’une
arme à feu. Vous prendrez donc cette vignette dépareillée et l’écarterez
résolument. Mais si vous reniez le revolver, quoi faire de la mouche. Vous
vous poserez alors la question de savoir si cette mouche ne pourrai pas intégrer
le paysage bucolique d’un arbre hivernal. Non, vous ne comprenez pas, une
histoire légère ne nourrira pas en son sein une mouche carnivore et un arbre
déplumé. Un arbre sans feuille appellerait au mieux la nostalgie, au pire la
misère. Rien de tout cela ne devra entacher ce joyeux récit. Vous devrez vous
servir de votre œil, celui de la photo bien sur, comme tous ces gens aux visages
tendus vers un futur possible. Ces gens, heureux d’être ensemble, pas comme ce
con tout seul sur son banc, non, heureux de partager aux même moments, aux même
heures, les havres banlieusards, les trains de la mixité sociale, les lendemains
qui chantent. Le futur est un bien beau temps. Au futur, Les boites au
lettres seront gorgées de lettres d’amour et de chèques de remboursements des
impôts. Au futur, Il n’y aura plus de cités dortoirs, mais des maisons
cossues et accueillantes avec de grands escaliers permettant la libre
circulation des biens et des personnes.
Mais le futur, vous le savez bien est une escroquerie, comme
l’œil du photographe qui décidera toujours pour vous ce qui est bel et
bon.
Pascale Mansour
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Ce
matin-là
Ce matin-là il descendra les escaliers en courant comme un fou.
A la dernière marche il ralentira pour ne pas glisser sur le carrelage encore
mouillé. La femme de ménage gardera toujours cette habitude, elle lavera
l'entrée juste au moment où le facteur finira de déposer son courrier. Il
regardera sa boite aux lettres, il essayera de deviner si la lettre est là.
Comme toujours avec difficulté, la petite porte s'ouvrira et il trouvera
l'enveloppe rose de l'être aimé. Il sortira pour s'isoler et pouvoir la lire en
toute tranquillité. Il s'assoira sur son banc préféré et tournera le dos au
chêne centenaire. Avant de déchirer l'écrin, il la humera encore une fois les
yeux fermés. Son parfum lui rappellera tous ces moments de bonheur avec
elle dans sa maison de campagne. Une mouche sur sa tête l'agacera et le fera
revenir à la réalité. Il aura peur du contenu de la lettre et il serrera fort
dans sa poche le pistolet chargé prêt à en découdre au cas où ...Il n'attendra
pas longtemps car le doute le rongera. Il lira rapidement et s'apercevra qu'elle
a dit oui. Il embrassera ses écrits mille fois sur le chemin de la gare, où il
prendra le premier train pour la rejoindre. Il aura l'air de flotter en
traversant la passerelle qui l'amènera sur les quais. De la foule il s'éloignera
car il ne pourra réfréner son envie de crier sa joie d'aimer et d'être
aimé.
malib'
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Cela fera comme un coup de feu, puis le
moteur pétaradant, l’engin de toile improbable s’élèvera par à coups dans le
ciel. Il n’y aura rien d’autre que le chêne au fond du champ qui le regardera
s’éloigner comme une mouche en haussant les épaules. Il y aura des lettres
glissées dans leur boîte. Les destinataires seront choisis au hasard :
Madame Rebecca Hulmair, domaine de la Fresnay, voudra bien se rendre jeudi 10
octobre à 16 heures, au lieu-dit de la Goulette, et lèvera les yeux au
ciel. Juliette recevra une lettre. Cela sera déjà une fête, elle la palpera
longuement, puis elle l’ouvrira. Elle tiendra un secret, son secret. Elle
glissera un œil par la porte entrouverte et s’assoira dans l’escalier. Elle
attendra longtemps devant la fenêtre, puis s’endormira. Malik recevra une
lettre avec plein d’autre de ses voisins, mais lui seul partira, il prendra le
train. Sur une petite place, une foule compacte, le nez en l’air attendra.
Lentement au dessus d’eux, il passera. Malik, au bout du voyage, regardera
sur son banc, l’engin atterrir en cahotant. L’homme qui e descendra, lui sourira
et l’invitera à continuer son rêve.
céline D
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