octobre      novembre       décembre      janvier      février      mars      avril      mai      juin
 
 
 
 
Devant moi, il y a un homme, il n’attend pas, il est seul. Il y a moi qui le regarde, mais il est seul. Devant moi, il y a un dos. C’est beau le dos d’un homme. Tout à l’heure, il s’est assis au bout du banc, il a posé son chapeau à gauche, et il a commencé à écouter la neige.

Maintenant il ne s’arrête plus d’écouter, et moi je reste là, à le regarder écouter. Je me retourne et je ferme doucement la porte. Dans la pénombre la télé vrombit doucement. Dedans, il y a une foule, une foule qui  ne se tait que parce que le son est coupé, une foule qui regarde en l’air qui écoute ce qu’elle regarde. Une mouche vient se poser sur mon bras, elle interrompt son zinzin le temps d’une caresse introspective, puis se pose sur le rebord d’une tasse et brusquement décolle vers la clarté de la chambre.

Je m’arrête sur le pont qui enjambe la voie de chemin de fer. Il y a toujours le panneau qui invite à ne pas se pencher. L’odeur des quais remonte à mes narines. En bas, il y a un homme. Un homme qui fait les cent pas devant la gare vide. Il attend. Je regarde le panneau  « danger de mort », et je tâte le revolver dans ma poche. C’est une belle imitation, mais l’utiliser, même par jeu, me dérange. Ce que j’aime en revanche, c’est le petit claquement du chargeur, la légère fumée au bout du canon et l’odeur particulière de la poudre. Je suis sur la passerelle qui longe la cité des anges. Même la neige ne lui rend pas grâce. C’est peut-être un peu plus poignant comme  Berlin dans ce film de Wim Wenders.

Les boîtes aux lettres alignées me regardent de leurs yeux vides. Des prospectus publicitaires tirent la langue. Je ne sais pas si elles ont déjà reçue une lettre d’amour. Le mur de béton derrière ressemble à une vieille estampe. Un immeuble ancien qui sent l’humidité, un carrelage en damier de ciment, un vieux radiateur en fonte, au mur, un porte manteau en crochet, et puis la cage d’escalier, un bel escalier en bois dans une grande cage éclairée par des fenêtres. En haut, pas de judas, la porte est entrouverte, je ne vois que la moitié de son visage, je ne vois qu’un œil, un œil qui me sourit.

Je voudrais continuer éternellement à monter cet escalier dans cette cage lumineuse, vers cet œil qui me sourit.

Là, on est assis, on est assis sur un banc et on est deux à ne pas attendre, et à écouter l’arbre, étirer ses doigts, un à un.
 
 
céline D
 
Ma cité est sous la neige. C’est arrivé dans la nuit. Je décroche la parka du clou de la porte et je descends voir ça de plus près. Dans la cage d’escalier, la mère de Messaoud se lamente déjà. Moi, je m’en fous, si je ramène de la neige sous les baskets, je passe la serpillère et puis c’est tout, on n’va pas en faire des caisses ! Joss est en bas, appuyé contre l’escalier, face à la porte vitrée, une clope à la bouche. Il regarde les mioches se balancer des boules de neige. Il remonte sa capuche sur sa casquette, et les mains dans les poches, il reste là à glander dans le hall comme tous les jours.

Je le salue d’un bref mouvement de tête, il me le rend. Je me dirige vers la boîte aux lettres. Trop tôt, trop vide. Remarque je me demande ce que j’espère. Je vais voir Joss. Il m’en tape 5, et tous les deux, côte à côte, nous regardons les petits se mettre des peignées glacées.
-«  Alors, t’es avec Fati, il paraît ? » Je regarde le nuage chaud qui sort de sa bouche.
« - comment tu sais ça toi ? »
-«  c’est écris sur la boîte aux lettre commune… » Me répond t’il.
-«  c’est des conneries ! » fais-je en m’approchant de la boîte. Effectivement. Fraîchement gravée, une inscription : Mouss et Fatima = amour éternel. Je ricane, puis je reviens vers Joss qui a posé ses fesses sur la deuxième marche. « Zyva, c’est ma sœur, elle veut me faire la honte, j’suis sur, attends, tu m’vois avec la grosse Fati, tu délire ? »
Il me regarde avec son regard de grand frère. L’œil attentif, presque paternel, avec pourtant cette lueur amusée nichée au fond. «  Si tu as quelque chose à me dire… » Semble t’il exprimer.
Je hausse les épaules et porte mon regard vers les obscures profondeurs qui noient la porte de la cave. La lumière sale venant du soupirail du sous sol, n’arrive pas à cacher les tags de mon frère, qui lui valurent un fessage régulier accompagné de hauts cris par ma daronne, alors qu’il avait mon âge.
Joss reprit : -«  tu fais ce que tu veux après tout…  En tout cas, elle, elle cherche à s’en sortir.»
-«  ouais… » Je réponds laconiquement, mes lèvres restent scellées pour les excuses bidons qui traînent dans ma tête, du genre : « ça ne regarde que moi ».
Un événement vient faire diversion : face au hall B, seul et malade, un grand arbre dénudé, recouvert de neige, s’étale sous nos regards. Jean pat’ vient d’y appuyer brutalement son scooter pour courir après un gamin qui lui a jeté une boule de neige au passage. Un paquet de neige glacée se décroche des branches, et vient ensevelir l’engin sous un tas blanc. On est mort de rire. Jos ouvre la porte et crie : -« jean pat, tu t’es acheté un scooter des neiges ? » -« va mourir !» Est la seule réponse qu’il obtient d’un jean pat dégouté. Je suis plié en 2 de rire. Puis, mon rire se bloque et s’éteint. Je viens de voir Pascal sur son banc, à moitié à poil dans la neige. Il me tourne le dos et contemple quelque chose qu’il est seul à voir. Jos qui a suivit mon regard se calme aussi, puis me demande –«  tu es allé lui parler ? «  Non, fais-je de la tête. Moi aussi, j’ai perdu mon père, mais c’était il y a longtemps, et je n’ai pourtant pas les mots qui consolent. C’est comme ça. Le deuil de Pascal l’isole de la bande, mais personne ne va le voir.
Je sors quand même, fais quelque pas vers lui, pour enfin revenir dans l’immeuble en regardant que mes chaussures. Nous étions 300 au moins, ce jour là, Toute la cité, pour voir son père se jeter du haut de l’immeuble. Pascal, nous le pardonneras jamais, mais qu’est ce qu’on peut y faire ? Dans la téci, un bon tiers des adultes se retrouve aussi sans emploi…. Tout le monde ne réagit pas comme ça.
Joss me regarde revenir. Pas un mot. Juste que la lueur dans son œil a disparu. Je ne souhaite pas lire ce qui la remplace. Près de la corbeille à pub, sur un emballage déchiré de barre chocolatée, une mouche se délecte. Je me mets à concentrer tout mon être vers elle, attendant un commentaire qui finit par venir : - « tu étais son meilleur pote avant…. Fais un effort, sinon, il a perdu plus que son père. »  Je crache par terre pour me donner une contenance et  me lève pour appuyer le front contre la porte vitrée froide. Sur ma droite, le quai de la petite gare de banlieue, avec ses bâtiments à moitiés détruits recouverts d’une neige marronnasse fait encore plus sale que d’habitude. Ça me rappelle des images de guerre vues à la téloche. Un train s’y arrête à l’instant d’ailleurs, j’ai confusément l’envie de le prendre, mais pour aller où ? Le silence dans le hall est trop long. On n’entend même plus les mioches jouer à l’extérieur. Je sens le regard de Joss me forer les épaules.
–«  va lui parler, mouss ! …. Tu sais, il y a chtarbé qui lui a vendu un gun, hier…. A mon avis, ça craint, vu comme il est parti, il va faire une connerie…»
Je compte jusqu’à trois, je prends ma respiration et me tourne vers lui. Il est là assis sur les marches, n’attendant qu’une chose au monde : que je prenne ma décision. Je soupire : - « ok, je vais lui parler… s’il a un gun… » C’est peut-être une excuse bancale, mais c’est celle qu’il me fallait. Je sors, cette fois pour de bon. Je m’approche du banc, je m’assois à coté de Pascal, je me glace le cul, mais je me sens attendu, alors… Enfin, je me lance : - Belle journée sous la neige, non ? Pascal tourne la tête et me sourit, puis après un silence fragile, me réponds : -« maintenant, oui. »
 
  éric
   
 
 
 L'iceberg végétal déplumé
 
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Je le considère avec admiration
Et je retiens ma respiration
Pour pouvoir l'entendre chanter
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Comptez dix pas de chaque côté
A mon signal, vous vous retournerez
Pour pouvoir sur l'autre tirer
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Je suis ton fidèle mirador
et de l'aube jusqu'à l'aurore
Je ne me lasse pas de toi
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Il préfère lui tourner le dos
De peur que ses larmes lui coulent à flots
Il n'arrive pas à oublier, les initiales sur coeur gravées
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Regarde ce qu'ils font de nous
Papiers imprimés sitôt jetés
Qu'ils m'obligent à héberger
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
De mon espèce, je suis hélas, le dernier
Vous étiez pourtant au courant du danger
Mais vous n'avez rien voulu entendre
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Nous t'envoyons nos plus belles feuilles d'automne
Ne les prends surtout pas pour des espionnes
Elles sont là pour te réconforter
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
J'aurais jamais du te quitter
Toi l'arbre qui m'a vu grandir
Là sur le quai j'ai décidé de te revenir
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Zigzaguant comme un zombie zinzin
Zieutant le zénith et le retour du Zéphyr
Pour bronzer et croiser sur tes branches, l'amour
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
Je suis l'escalier du bonheur
Qui va de la chambre à ton coeur
Car je le sais tu est vivant
Il est planté là, au milieu, l'iceberg végétal déplumé
malib'
 

 
Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
L’œil de Dada observe le damier et décide Picabia à le coller sous une Joconde imberbe cette fois là. C’est ce qui s’appelle avoir l’esprit d’escalier !

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Un coup de revolver, la chute d’un corps par dessus la rambarde de l’escalier, une flaque rouge sur les carreaux noirs et blancs.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
En face, il y a deux arbres, en face, il y a deux maisons cossues, mais c’est dans celle de droite qu’il est, je le sais.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Il l’a descendu et il est parti à la gare sans horaires. Le quai était vide.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Ils regardent tous en l’air comme moi sur le pas de la porte, plantée devant lui.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
La passerelle, un escalier ouvert, un escalier dehors, enneigé.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Une mouche zonzonne contre la fenêtre, puis soudain, elle s’envole aspirée par la cage d’escalier.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Dans le vestibule, juste avant de monter, j’ai disposé un ensemble de vieilles boîtes aux lettres où ranger du courrier déjà ouvert.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
L’arbre va être abattu, et il paraît qu’on en fera un escalier.

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
Il est assis sur un banc, elle est assise sur des marches, qui se lèvera le premier pour rencontrer l’autre ?

Dedans, sur des carreaux de ciment, pousse un bel escalier de bois dans sa cage lumineuse.
 
céline D
 
 
 
 
Le monologue d’une mouche en  ballade.

Un œil qui me fixe                                                                   
Cela peut être un risque
Sauf si c’est un œil qui louche….
Y a de l’aventure aussi chez les mouches…
 
Cette foule, tous ces gens en masse
Qui regardent en l’air, ça me tracasse
On dirait qu’ils gobent les mouches…
Y a de l’aventure aussi chez les mouches…
 
Un quai de gare désert
Un homme seul qui erre
Bien peur que ce soit louche…
Y a de l’aventure aussi chez les mouches…
 
Boites à lettres alignées
Espoir et attentes résignées
Voilà sur quoi ça débouche…
Y a de la poésie aussi chez les mouches…
 
Un homme qui médite
Voilà un drôle de rite
Et pourtant ça me touche….
Y a de la poésie aussi chez les mouches….
 
Ce pistolet, dans ce pays, en vente libre
Vie et mort en fragile équilibre
Et s’il restait des cartouches ?
Y a de la philosophie parfois chez les mouches….
 
Ce bel arbre en hiver
Il espère un colibri, un  pic vert
Un écureuil, une taupe, sur sa souche…
Y a de la philosophie parfois chez les mouches….
 
Les habitants des immeubles de banlieue
Croient ils que ça ira mieux
En chantant sous la douche ?
Y a des citadines aussi parmi les mouches…
 
Cet escalier en colimaçon
A chaque étage un paillasson
Et des lits blancs où on se couche…
Y a des citadines aussi parmi les mouches….
 
Deux maisons mitoyennes
Petites vie moyennes
Leur air de sainte nitouche…
Y a des citadines aussi parmi les mouches….
 
yveline

 

Ils seront tous là, sur la dalle, les yeux rivés vers la cité Youri Gagarine.
 Ils auront été parqués derrière des barrières de sécurité.
L’urbaniste arrivera avec le maire et des pompiers,on n’entendra pas une mouche voler.
Il tirera un coup de pistolet en l’air et ce sera le signal.
Les tours insalubres, construites après guerre, seront dynamitées et s’affaisseront sur elles mêmes.
Les yeux ouverts l’instant précédent, seront pleins de poussière, ils tousseront tous.
Pas une larme de tristesse, tous partageront la liesse de cet instant magique ou 40 ans de ghetto seront liquidés.
La périphérie de la ville, cette verrue hideuse sera effacée….
Que dira-t-ont dans la banlieue bourgeoise ?
Qu’en penseront les petits vieux des villas jumelles construites avant-guerre, avec leurs arbres et leurs jardinets ?
Et les habitants du centre ville, dans leurs immeubles cossus avec leurs escaliers de bois et leurs rangées de boites à lettres, se sentiront-ils menacés ou libérés ?
Les quais du R.E.R. resteront vides…Plus de travailleurs maussades dans les matins blêmes.
Ils seront tous à la campagne et vivront -par choix- avec juste le nécessaire.
 Chacun prendra le temps de vivre, apprendra la méditation, en regardant les arbres pousser.
Nous arriverons un jour à la décroissance, même si cela doit passer par la destruction de certains des acquis des 30 glorieuses !
Nous n’attendrons plus demain, nous l’inventerons !
 
yveline
Du futur rien que du futur
 
Il n’y aura pas de morts, pas d’absences et de départs, pas de grands ensembles sinistres sous une neige maculée, pas de quai de gares où se côtoieront les solitudes, et de cages d’escaliers où se croiseront des êtres anonymes.
Vous accepterez donc que le revolver n’ait pas non plus sa place dans ce récit futuriste, une histoire gaie ne supporte pas l’idée même d’une arme à feu. Vous prendrez donc cette vignette dépareillée et l’écarterez résolument.
Mais si vous reniez le revolver, quoi faire de la mouche. Vous vous poserez alors la question de savoir si cette mouche ne pourrai pas intégrer le paysage bucolique d’un arbre hivernal. Non, vous ne comprenez pas, une histoire légère ne nourrira pas en son sein une mouche carnivore et un arbre déplumé. Un arbre sans feuille appellerait au mieux la nostalgie, au pire la misère. Rien de tout cela ne devra entacher ce joyeux récit.
Vous devrez vous servir de votre œil, celui de la photo bien sur, comme tous ces gens aux visages tendus vers un futur possible. Ces gens, heureux d’être ensemble, pas comme ce con tout seul sur son banc, non, heureux de partager aux même moments, aux même heures, les havres banlieusards, les trains de la mixité sociale, les lendemains qui chantent. Le futur est un bien beau temps.
Au futur,
Les boites au lettres seront gorgées de lettres d’amour et de chèques de remboursements des impôts.
Au futur,
Il n’y aura plus de cités dortoirs, mais des maisons cossues et accueillantes avec de grands escaliers permettant la libre circulation des biens et des personnes.
Mais le futur, vous le savez bien est une escroquerie, comme l’œil du photographe qui décidera toujours pour vous ce qui est bel et bon.

Pascale Mansour

     Ce matin-là 
 
Ce matin-là il descendra les escaliers en courant comme un fou. A la dernière marche il ralentira pour ne pas glisser sur le carrelage encore mouillé. La femme de ménage gardera toujours cette habitude, elle lavera l'entrée juste au moment où le facteur finira de déposer son courrier. Il regardera sa boite aux lettres, il essayera de deviner si la lettre est là. Comme toujours avec difficulté, la petite porte s'ouvrira et il trouvera l'enveloppe rose de l'être aimé. Il sortira pour s'isoler et pouvoir la lire en toute tranquillité. Il s'assoira sur son banc préféré et tournera le dos au chêne centenaire. Avant de déchirer l'écrin, il la humera encore une fois les yeux fermés.  Son parfum lui rappellera tous ces moments de bonheur avec elle dans sa maison de campagne. Une mouche sur sa tête l'agacera et le fera revenir à la réalité. Il aura peur du contenu de la lettre et il serrera fort dans sa poche le pistolet chargé prêt à en découdre au cas où ...Il n'attendra pas longtemps car le doute le rongera. Il lira rapidement et s'apercevra qu'elle a dit oui. Il embrassera ses écrits mille fois sur le chemin de la gare, où il prendra le premier train pour la rejoindre. Il aura l'air de flotter en traversant la passerelle qui l'amènera sur les quais. De la foule il s'éloignera car il ne pourra réfréner son envie de crier sa joie d'aimer et d'être aimé.
 
malib'
Cela fera comme un coup de feu, puis le moteur pétaradant, l’engin de toile improbable s’élèvera par à coups dans le ciel. Il n’y aura rien d’autre que le chêne au fond du champ qui le regardera s’éloigner comme une mouche en haussant les épaules. Il y aura des lettres glissées dans leur boîte. Les destinataires seront choisis au hasard : Madame Rebecca Hulmair, domaine de la Fresnay, voudra bien se rendre jeudi 10 octobre à 16 heures, au lieu-dit de la Goulette, et lèvera les yeux au ciel.
Juliette recevra une lettre. Cela sera déjà une fête, elle la palpera longuement, puis elle l’ouvrira. Elle tiendra un secret, son secret. Elle glissera un œil par la porte entrouverte et s’assoira dans l’escalier. Elle attendra longtemps devant la fenêtre, puis s’endormira.
Malik recevra une lettre avec plein d’autre de ses voisins, mais lui seul partira, il prendra le train.
Sur une petite place, une foule compacte, le nez en l’air attendra. Lentement au dessus d’eux, il passera.
Malik, au bout du voyage, regardera sur son banc, l’engin atterrir en cahotant. L’homme qui e descendra, lui sourira et l’invitera à continuer son rêve.
 
céline D