seuls les textes sont proposés ici, pour
obtenir le livret complet, photo et texte, merci de me contacter
directement.
Quand un atelier d’écriture rencontre une exposition de
photographies... Je suis ce que vous voyez... Et vous, que voyez-vous
? Les textes proposés ont été écrits par les participants de l’atelier
d’écriture. Il s’agit d’un
travail parallèle à celui du photographe. Nous avons expérimenté, à travers des
exercices d’écritures, différentes manières de voir ou d’entendre ces
photographies sous un angle volontairement non documentaire. Ils ne vous
informeront pas sur les personnes photographiées, ni n’amèneront d’éclairage sur
la situation en Roumanie aujourd’hui. Le principe de
l’atelier est d’écrire à partir de consignes proposées par l’animatrice, il y a
donc autant de textes qu’il y a de participants et de propositions. Les regards
portés peuvent être sensibles, décalés ou dérangeants, mais ils sont toujours
respectueux des personnes photographiées et du travail du photographe. Quelques
propositions d’écritures : - si on posait des mots, juste des fragments sur la
photographie, on verrait juste une ville, comme une autre... - si les éléments de la photographie se mettaient à parler
entre eux, on pourrait
entendre... - si les personnages
photographiés se parlaient entre eux pendant l’exposition, ils se diraient peut-être... - s’ils nous
parlaient... - si on regardait l’image autrement
Marie Carré pour yaksa productions,
atelier d’écriture.
Flots incessants, bruits assourdissants ville et
monumentales avenues, artères bouchées périphériques
saturés chauffeurs-chauffards fenêtres fermées lumières
allumées quelle heure est-il ? pollution inutile respiration
difficile odeur de gaz et d’échappement Bucarest ou ailleurs mêmes
allées mêmes fins de journées quelle heure est-il ? hiver et
vide fontaines fermées phares allumés une visite au musée photo
mémoire-souvenir panneaux indicatifs feuilles mortes arbres
fanés quelle heure est-il? Marie
Anonymat, Cité, trottoir Tout quitter Chercher du
travail en ville Je suis seul, figé Tramway Des gens pressés Ombres,
reflets, Transparence, croisements Je suis seul, figé D’autres
solitudes me frôlent Fondus, clairs-obscurs Opacité Ombres diffuses,
diaphanes Je suis seul, figé Transports, heure de pointe Exils
entassés Lourds parfums, eau de toilette, tabac Regards absents Je suis
seul, figé Indifférence, individualisme Étranger, étrangeté Ciel gris,
ciel bas Rumeur diffuse Je suis seul, figé Dioxyde de
carbone Grincements de freins Panneaux publicitaires Consommation,
richesse Je suis seul, figé Rêves brisés Réalité Sub primes,
FMI Chômage, grève Je suis seul, figé Arbres nus Fragrances
urbaines Carrefour Dévisager, passer au travers Je suis seul,
figé. Anne
conversation surprise entre deux photographiés... - Nous
voici tous les deux dans cette galerie d’exposition, je me sens un peu
décalé, pas vous ? C’est quoi ces gens et leur façon de se fringuer ? - Vous
voulez dire ces garçons et ces filles tatoués et ces coiffures plaquées,
décoiffées, genre je-sors-du-lit et silhouettes taillées au crayon noir ? et
qui se posent des questions sur mon blouson en simili cuir ? - Oui, il y a
toute une faune, des vêtements et des parfums de luxe, des jeunes tatoués,
des gens à la peau noire ou même des Chinois. Certains ont des chaussures à
lacets comme celles que portent les paysans chez nous. - Il m’arrive
parfois d’en transporter dans mon taxi. Je crois qu’ils viennent d’Europe de
l’Ouest. J’ai parfois du mal à les comprendre, des Africains ou des
Asiatiques qui parlent français ou allemand ou anglais. Ils s’intéressent
généralement peu à moi, alors je suis étonné qu’ils regardent cette
photo. - Peut-être qu’ici ils rêvent de l’Europe de l’Est. A vous scruter
ainsi, à faire venir des musiciens au bord de leur fleuve, on a des choses à
leur apporter croyez-vous ? - Ils se demandent peut-être si nous sommes
plus heureux maintenant qu’à l’époque du bloc communiste. Nous qui avons
connu les deux régimes, sommes-nous capables de le dire ? À voir nos
mines tristes que vont-ils penser ? Que nous ne sommes pas plus
heureux aujourd’hui qu’hier ? Yveline et
Bernadette
À la queue le le, stationné, Moteur éteint, moteur
refroidissant, Compteur arrêté, Vibrations, Moteur rugissant Point
d’arrêt, foule qui foule le pavé, patience Lieu de passage, Synonyme de
voyage, Lieu de transition, Sas entre deux stations, Point d’arrêt,
foule qui foule le pavé, patience Sas d’entrée dans la ville, Sas de
sortie de la ville, Retour, arrivée ou départ, Escale, étape ou
retard, Point d’arrêt, foule qui foule le pavé, patience Des visages,
d’hommes, de femmes, d’enfants Résignés, sévères, stressés,
souriants, Étonnés, attentifs, cherchant, Encore ailleurs,
rêvant, Point d’arrêt, foule qui foule le pavé, patience Attendant,
avançant, à grandes enjambées, Ralenti, encombré, chargé, Se retournant,
se croisant, Passant entre, à côté, se frôlant, Point d’arrêt, foule qui
foule le pavé, patience Des individus anonymes, des voyageurs, Des
taximen, des collègues, Des accompagnateurs, Des passants, des
rôdeurs, Point d’arrêt, foule qui foule le pavé, patience Des paroles,
hautes, basses, chuchotements, Bruissements de vêtements, Talons qui
claquent, roulettes qui glissent, Voies qui craquent, regards qui
percent, Point d’arrêt, foule qui foule le pavé, patience. Céline B
Sexe: masculin, la quarantaine, corpulent, type
méditerranéen Nationalité: roumaine Origines : père roumain, mère
estonienne Visage: allongé, nez aquilin de type indo-européen Cheveux:
bruns, coiffure afro, années 70 Yeux: noirs, en amande, asiates Veste:
peau, importée d’Italie Jean: contrefaçon, manufacturé en Pologne Chemise:
coton, fabriquée au Kazakhstan Lunettes: Ray Ban, USA Montre: imitation
suisse, provenance Bangkok Eau de toilette: imitation Eau de Caron,
Maroc Téléphone mobile: Nokia Norvège Stylo: contrefaçon Mont Blanc, Kuala
Lumpur Signe particulier : se fout éperdument de ce qui se passe dans son
dos Dans son dos: Rue: plan d’urbanisme post seconde guerre mondiale,
soviétique. Electricité: EDF et Nucleareactiva, France et Roumanie Réseau
de gaz: Gazprom Russie Réseau téléphone fixe: Vodaphone Romania Enseignes:
internationales Commerces: denrées hétéroclites importation Shanghai, Canton
et Beijing Horloge: standard, plastique de récupération, manufacturée à
Taiwan Grille: fer forgé banal, non andalou Véhicules: Allemagne,
intérieur cuir Électronique de bord et auto radio : Japon, Hong
Kong Carburant : Pan Europe Oil Pipeline (PEOP), Roumanie, Serbie,
Croatie Ciel : bas, gris, hémisphère nord, Europe Pollution :
universelle. Anne
Qui est qui, qui fait quoi ? Dans une ville qui se
cherche Des murs lépreux exhibés. Touches colorées parcimonieuses Pour
tons sépia mais froid qui mord. Exotisme inconnu pour banalité
assumée. Minéralité des lieux dans ciel bleu fatigué. Tags sur affichages
sauvages pour escaliers métropolitains. Transports en commun
universels Pour absence de transports amoureux. Qui est qui, qui fait quoi
? Habits chauds pour fin d’automne balkanique. Foule anonyme et passants
pressés. Regards neutres et sourires dissimulés. Regardeur
regardé. Personnages décalés dans image recadrée. Coexistence et
juxtaposition dans la ville horizontale. Arrêt sur image. Qui est qui, qui
fait quoi ? Pascale
L’an 2168, Radu, matricule X124B, vient d’atterrir sur
Terre, à environ 15 millions d’années-lumière de la planète Prodozon.
Géolocalisation non clairement identifiée, trajectoire de la navette,
prototype Z888, ayant été dévié d’environ 15° Sud : peut-être ville de
Bucarest… Après cyberéception de ses premières impressions, en voici le
compte-rendu : « Nos espoirs étaient fondés ! Cette planète peut être
colonisée. Niveau de civilisation correspondant aux années 2000 de l’ère
prodozonique, avec technologie peu avancée mais en plein développement.
Engins à 4 roues avançant sur terre, pas ou peu d’engins dans les airs, ciel
dégagé à 360°. Bâtiments de petite taille, probablement habitations pour
humains, de forme étrange à 4 faces, langage même format que le notre, mais
peu d’information numérique. Pas d’ondes Xéna 58 détectées, ni
particules de Britium 901: air sain, peu vicié, propice à rapide
prolifération des Prodozaures. Poursuite de l’exploration en tout anonymat,
aucune difficulté à la discrétion, imitation du genre humain de niveau 2 sur
l’échelle de difficulté. Durée de la mission estimée à 15 unités temporelles.
» Céline
B
Rouge _ Noir sur rouge _ Noir Homo sapiens de sexe
féminin, Taille médiante, squelette d’1m65, Figée, Arrêtée D’âge jeune
au vu des tissus lisses du visage, Estimée à une vingtaine
d’années, Intérieur, Intimité De type européen, En effet, pigmentation
capillaire châtain, Solitaire, Indépendante Et peau claire, Vivant en
climat tempéré, Adolescente, jeune femme Plutôt climat
continental, Port de tenue indiquant, Premier plan, Netteté Issue d’un
milieu aisé, Ayant reçue éducation, Pose dans un café, Mise en
vedette De corpulence moyenne, Indiquant une alimentation saine et
équilibrée, Casting, Sans emploi fixe Dynamique, probablement
sportive, Soignée, propre et de comportement réservé. Motivée avec
assurance, Confiante. Céline B
Un vélo noir tout neuf Où vais-je donc l’attacher
? Casquette noire américaine, lunette à monture légère, blouson noir
doublé de polaire bleu Où vais-je donc l’attacher ? Monument religieux
rénové, vieil immeuble avec façade en bloc béton, rue piétonne aux pavés
autobloquants Où vais-je donc l’attacher ? Passants pressés et
taciturnes, voiture mal garée, quelques arbres dénudés par
l’hiver Choisir le plus costaud pour pouvoir enfin l’attacher
! Malib’
- Je suis le blouson orange le plus beau de la Terre ! - Pas pour longtemps car, après avoir
mangé tes manches, moi le pull marron, je
vais te dévorer tout cru ! - Je veux bien t’aider à éliminer ce prétentieux, rajouta
le sac gris. D’ailleurs, j’ai déjà attaqué sur son flanc gauche avec l’accord du
jean qui m’autorise le passage. - Arrêtez de vous
chamailler, car de toute façon je serais toujours le plus haut, s’écria le bonnet. - Une, deux, une, deux. Allez les filles comme à
l’entraînement, on s’empile rapidement. D’abord la noire avec une bande blanche
puis la rouge suivi de la jaune au rond noir et la bleue. Allez un dernier
effort, et les autres vous pourriez les encourager tout de même ! Allez la noire
avec une bande blanche, allez, s’essoufflèrent celles-ci. Ouais c’est bon ! On
ne bouge plus, je prends de l’élan et hop, me voilà au sommet. -Je suis la borne kilométrique la plus haute du Monde !
Alors le bonnet, on fait moins le
malin, hein ? Les
autres : - « Il fait moins le malin, nananananère !
- C’est quoi tout ce raffut ! Si vous me réveillez portes et
fenêtres, je ne donne pas cher de vos peaux. C’est moi, le Theatrul National,
qui aurait toujours le dernier mot. - C’est sans compter
sur notre espion, le drapeau qui te surplombe et te paralyse les artères,
répliqua la borne. Pour le drapeau, hip hip hip hourra ! Tous les autres : « Hip hip hip hourra !
« Malib’
Le concierge -Vous étiez bien tranquilles dans votre remise, mais il est
temps de passer à l’action. Nous allons nous rendre dans plusieurs appartements
de cet immeuble à l’arrière pour un nettoyage de printemps. Consigne est donnée
d’obéir aux ordres de chacun des
occupants. Le balai - Hier je suis passé chez Mme Tadescu, elle ne m’a pas
ménagé. J’ai dû me soumettre à ses quatre volontés. Aujourd’hui je voudrais me
reposer, c’est au tour de Serpillière de travailler. Fallait voir comme elle me
balançait de droite à gauche et de haut en bas. Et vas-y que je te pousse sous
les meubles et que j’attrape les toiles d’araignée au plafond, quand il ne
fallait pas partir à la recherche des moutons de poussière sous les lits. A la
fin, d’un geste violent, elle m’a fait pousser toute la poussière sur le balcon
et de là, hop ! dans la rue. Pas très écolo, les déchets dans la rue.
Serpillière et Pelle bien relax dans leur coin, riaient. Quant à ce seau plein
d’eau, il est toujours aussi placide, il se laisse poser n’importe où et attend
que Serpillière vienne prendre ses petits bains
réguliers. Le seau - Ben oui, je pouvais rien
faire. J’étais plein d’eau et Serpillière était en train de tremper. Je ne pouvais donc pas
bouger. La serpillière - Moi, je vais vous dire, cette Mme Tadescu me traumatise
car elle a la fâcheuse habitude de me passer en utilisant ses pieds. Si vous
saviez comme je souffre quand elle m’écrase de tout son poids et me fait laver
ses sols rugueux. Avec son air sadique, elle dit que c’est mieux ainsi pour son
dos. L’été, elle est pieds nus. Et alors là, non contente d’avoir à supporter
son poids, je dois supporter ses odeurs de pieds. Rien que de penser à ses
ongles noirs, j’en ai la nausée. Le
concierge - Bien, je vous ai tous entendus. Aujourd’hui je vais être
sympa, vous ne retournerez pas chez Mme Tadescu. Je vais vous envoyer chez M.
Aspirator, ainsi toi Balai tu pourras te reposer et les autres vous travaillerez
puisqu’hier vous avez été épargnés. Mais à l’avenir je vous demanderai un peu
plus de solidarité. Bernadette
Ce n’est pas moi qu’il faut regarder ! Je sens bien que tu
me fixes, arrête, attends, soit patient. C’est juste un moment immobile.
Quelques notes résonnent encore, laissons-les s’évanouir dans le silence qui
repose. S’il te plait, détourne ce regard qui me presse de reprendre.
Pour quelques secondes, laissons le calme se répandre. C’est juste une
pause pour une pose. En attendant, regarde plutôt l’objectif, un petit
oiseau va sortir. Regarde le monsieur et son appareil, fais comme moi,
tourne-toi vers lui, esquisse un sourire à celui dont les yeux veulent un
souvenir. Déjà je pense au prochain morceau, que tu tiens bien au
chaud sous toi. Bientôt ma main viendra te caresser la tête, te poussera
doucement pour prendre le recueil, alors je t’accompagnerai de nouveau. Ne
fais pas ton timide, regarde ce photographe bien en face, nous reprendrons
juste après. Nous allons de nouveau jouer ensemble, faire sonner ce piano,
laisser nos voix résonner, remplir tout le salon d’une belle musique. Tu
ne veux pas regarder vers cet appareil ? Je devine que tu es vexé, tu aurais
préféré un magnétophone, pour témoigner de tes sublimes miaulements. Encore
un caprice de star, et bien tant pis pour le portrait. Manu
Je suis fier de vous présenter ces statues. Il était
évident qu’un jour je serais confronté à elles. Plus les jours passaient et
plus j’appréhendais cette confrontation. Tout en elles me dépasse : leur
taille, leurs membres, leur coloration au fil du temps. Il avait été dit
qu’elles devraient avoir un lien avec ce que je suis. Finalement, elles n’ont
gardé d’humain que la forme symbolique de leurs membres. D’elles comme de
moi, vous ne voyez que la tête, le tronc, des mains, avec ou sans
bras. Pour elles, comme pour moi, pas de pieds. Non, décidément nous
n’avons pas les pieds sur terre. Bernadette
Grande baie vitrée, Lumière, gémissement du vent, 8eme
étage, vue sur les toits; Extérieur jour ; Périphérie de la
ville, Urbanisation chaotique, Immeubles semblables, Logements
identiques, Extérieur jour ; Ciels couverts, Antennes
paraboliques, Suie des cheminées, Tuiles et béton, Extérieur jour
; Les croquettes du chat, Une tasse à café, Des pinceaux dans un
pot... Des flacons de sirop, Du scotch à cartons, Un bocal de lait en
poudre, Des pinceaux dans un pot… Du paprika dans une poche, Des livres
et des dossiers, Des pinceaux dans un pot… Cette longue table devant la
fenêtre Ce désordre hétéroclite Ce portrait dans le
miroir Création, Intérieur unique, caractéristique, Yveline
conversation surprise entre deux photographiés... - Tu as de la chance toi, car tu peux
t’asseoir. Moi j’ai pas le droit et avec cette enfilade de bancs derrière moi,
c’est une vraie torture ! vivement que ce soit fini car cette cravate m’étouffe.
En retenant mon souffle ça va mieux,
mais je ne vais pas tenir longtemps. - De la chance, c’est vite dit, tu vois je suis assis là
pour l’éternité, à observer avec avidité tous les tableaux que je pourrais
faire, sans jamais pouvoir les exécuter. Moi je ne peux pas ouvrir la fenêtre.
Je sais pas qui c’est ce type, il faudrait que je lui
demande. -Qu’est-ce que je faisais déjà ? Je ne me rappelle plus
très bien. J’ai comme des trous de mémoire. Mes mains ne sont pas trop usées et
je connais plein de mots savants, j’étais peut-être écrivain ou photographe, je
ne sais plus mais pas peintre comme toi, car ton atelier ne me rappelle rien. Tu me verrais en quoi ? Et l’autre qui me pose des
questions sur mon passé. Il travaille pour la police ou quoi ? - Hé bien tu m’as l’air d’avoir souffert. Peut-être la
torture,un dissident, tu aimes les jardins alors je dirais un poète dissident.
Malgré ta mémoire défaillante, tu as un souvenir, un détail de notre transport ici. Tu
sais où on est ? C’est dur, il n’a pas l’air en
bonne santé. La mémoire moi, c’est la seule chose qu’il me reste pour voyager
dans ma tête. Ce jardin, ce jardin où il est, c’est celui où ...,c’est celui de
..., oh ! IRINA . - Les mots dissident et torture
résonnent dans mon esprit. C’est comme si mon cerveau les avait effacés et tu
les as fait renaître.
Céline / Malib’
Un arbre : - Eh le lierre, tu ne vois pas que tu me chatouilles ?
Je vais frissonner et perdre quelques branches… Un banc
: -Arrête !j’suis resté bancal la dernière fois
qu’t’as éternué ! Plus
personne y vient s’asseoir maintenant ! L’autre banc : -Bancal, tu
l’a dit…mais ça montre qu’on a vécu…. Regarde les autres sur le nez du quidam,
elles sont pas bancales elles ? Les lunettes : -Ca va, ça va, la rangée des bancs affaissés, inutiles et
désertés… Nous autres, on vient d’Amérique, on a de la culture et du
savoir-vivre ! c’est pour ça qu’il nous a choisies et qu’on est ici dans cette
expo ou on ne voit que nous ! Le banc
: -peut être mais c’est pas une raison pour mal se tenir,
z’êtes même pas parallèles ! Les lunettes : -justement c’est là notre élégance ! L’une cache un hématome et l’autre descend un peu pour laisser l’oeil
valide scruter les zozos qui nous admirent… Le bonnet : -moi, je suis
d’accord avec les bancs, il fait froid je me demande ce que vous faites là…Il
est ou le soleil ? Les lunettes : -et la neige et le blizzard, ils sont ou pour justifier
que tu sortes de la naphtaline, espèce de chinchilla mité
? Une dent : - arrêtez de
crier !!Vous voyez bien que je souffre juste en dessous dans la mâchoire ; Le
quidam il a les lèvres serrées tellement c’est douloureux ! Abcès, pus, je
croyais qu’on était partis pour le dentiste… Qu’est ce qu’on fait là entre les
arbres immobiles ? Attention
je sens qu’on nous regarde ! L’arbre : -c’est pas du
dentiste qu’elle a besoin mais d’un psy… sont tous paranos ma parole à se sentir
épiés … ou pire, mégalos à se croire dans une expo ! yveline
Il n’est pas rare que je vienne m’asseoir dans cette pièce.
Je ne sais pas si j’aime vraiment y être. La chaise sur laquelle je suis
assise n’est pas très confortable, et cet effet de dédoublement me remet
chaque fois face à mes interrogations. De quelque angle que je les aborde,
c’est une recherche permanente. De mon aspect physique, je ne peux rien vous
cacher. Vous me voyez là, de dos, de face. Vêtements classiques, je m’intègre
bien dans ce cadre : miroir avec dorures, porte avec colonnades et tapisserie
d’époque. Moi, le doré, le brillant, le clinquant, ce n’est pas ce qui
m’attire. Lorsque je suis devant ma toile, je cherche simplement à capter les
jeux de lumière, de couleurs, les perspectives que les peintres ont tant de
mal à réaliser. Ici, tout naturellement, deux miroirs face à face et le
tableau est réalisé. Pas besoin de recherche sur la projection de la
lumière. Bernadette
Qui suis-je ? Suis-je Milena IUGAROVITCH, la
psychanalyste de renom international, invitée d’honneur du colloque sur la
question de l’image de soi ? J’ai choisi ce face à face de miroirs pour vous
illustrer les multiples facettes de l’être humain. Les images qui
s’entrechoquent, qui s’entremêlent, qui s’entrecroisent. L’angle de vision en
permanence décalée. Voilà ma vision de tout être humain qui cherche à se
rassurer par une image de soi mais qui ne jamais ne se reflète
parfaitement. Serais-je la très célèbre Héléna STASIA, celle qui a essaimé
dans toutes les capitales européennes les répliques du plus célèbre cabaret
du monde ? Et oui, si d’Oslo à Bucarest, on montre un Moulin Rouge avec les
plus belles filles du monde, c’est moi qui veille aux moindres détails. Ah,
vous ne m’auriez pas imaginée ainsi, peut-être avec une tenue plus tapageuse.
Moi, mon métier c’est de vendre du rêve et du plaisir des yeux ; alors le
moindre détail est prévu pour créer cette magie du spectacle. Alors, pas
d’imprévu ; juste le bon éclairage, le bon angle de vue, le bon accord comme
là, dont je vous parle. Qui suis-je ? ...
Marie-Claude
Tu sais, tu le sais, tu le sais bien. Tout, tout cela que
tu sais. Le poids de tout cela ? Légère, la lumière sur ta joue ; une
caresse. Elle joue -c’est émouvant - sur les repousses De ton crâne rasé :
caillou joli, le bel ovale. Ta bouche est chaude, comme un baiser
retenu Tu aimes, je le sais. Tu l’aimes, 20 ans, à peine… Un oeil dit
oui, un oeil dit non Tu ne dois pas, tu ne peux plus, hélas ! Tu sais,
c’est ça qu’elle aime, tu sais. Et puis soudain ton regard change, une menace
dedans : « Tu ne sais rien, tu ne sais pas, tu ne sais rien de moi ! Tais-toi
! » Sous le voile, ce qu’on dévoile, peut-être rien. Juste le souvenir
d’avoir tenu entre tes doigts des fils. Tu le sais, tu le sais, tu le sais
bien Me disent, me redisent tes yeux. Céline D
Je ne suis pas toi et tu ne me ressembles pas. Je te
regarde et tu ne me vois pas. Nous plongeons nos yeux dans les entrailles de
l’autre, Et pourtant, nous ne savons pas. Tu voudrais caresser mes
cheveux, mais tes mains sont inertes. Mes doigts voudraient suivre tes rides
mais ils sont gourds. Baiser ta bouche, peut-être, sur ces lèvres
hermétiquement closes. Je suis ton miroir, je suis ta conscience et ton
supplice. Tes pores sont dilatés par tes vies i(a)ntérieures, Mais tes
yeux surtout, comme un puits où l’eau lointaine manque. Tout est loin, tu
sembles offrir, mais tu dérobes à la soif. Nous sommes des inconnus l’un pour
l’autre. Adieu donc.
Pascale
Extérieur jour ; lumière crépusculaire Décors : usine
désaffectée, blocs métalliques, Canalisations rouillées, condensateur. 1er
plan borné par un grillage. Personnage : décentré, de face Attitude
neutre Type masculin, trapu, soixantaine Maquillage : barbe naissante,
grisonnante Yeux noirs, cernés Accessoires : 1 revue, pliée. Il était
une fois un pays lointain ou le monde était découpé et rangé dans des coffres
métalliques ; des tuyaux alimentaient chaque boite. Tout était stérilisé
; Ailleurs il était resté des hommes qui affrontaient les aléas de la vie,
microbes et miasmes ; bien sûr, ils devaient se protéger avec des
écharpes des manteaux et même des chapeaux. L’existence du pays des
containers fut révélée aux hommes exposés. Des pionniers partirent découvrir
ce monde jusqu’aux confins grillagés. Un philosophe se fit photographier dans
l’entre-deux mondes. « À tous les écologistes, syndicalistes,
idéalistes, Je le proclame aujourd’hui Notre complexe industriel est
inoffensif, sans danger ; Moi P.D.G. de cette entreprise, J’ai donné du
travail, dynamisé la région ; Je suis un exemple de réussite sociale ; Mes
ouvriers sont contents de travailler ici ; Je me fiche de l’avenir
; L’important c’est l’ici et maintenant ; Travail et bénéfices !
» Yveline
Jour de semaine, jour de marché, De rares acheteurs, des
vieux tous du quartier, Un défilé de bonnets, casquettes, fichus, Le froid
qui fouette le visage, Manteau, écharpes font la panoplie. Le ciel bas,
gris, Frissons de poches plastiques, Défilé de cabas, paniers, Netto,
USA affichés, ménagères en piste, C’est quand le printemps ? Numéro 13,
oignons, poireaux et choux, Soupe fumante, C’est quand le printemps
? Où sont les jeunes ? Dans les magasines bling bling ? Loin de la
cohue, Y’a plus que des vieux ici, C’était mon
quartier. Marie-claude
Table du café Il me regarde Plutôt bien attifé Le
regard s’attarde ; Derrière lui un voilage Derrière lui la ville Une
place sans embouteillages Une architecture imbécile. Yveline
Les Catapards étaient à deux doigts de la
victoire contre les Spalloïdes. Le chef des Catapards, à sa table
vrombiculaire méditait et pesait les chances de chacun. C’était un prince
hors pir qui savait très bien tromper l’ennemi. Les Spalloïdes avaient
pourtant de beaux atouts dans leur jeu, ils avaient un stock gigantesque de
missiles Yaksa 47 et de Trombaïr 94. mais leur chef se faisait
vieillissant. A sa table, le prince Catapard étudiait les codes pour obtenir
les plans du Zolpic afin de le cambrioler. Il apparaissait toujours
tranquille et serein quand il était menacé. Il était fort et déterminé et la
victoire sur les Spalloïdes paraissait désormais une évidence,
leurs jours étaient comptés.
Vincent
Le gamin : oh ! L’autre, t’as vu maman,
il a un sabre de Dark Vador. Je veux le même, allez, s’te plait m’man,
s’te plait. La mère : ll n’en est pas question, tiens toi tranquille on nous
regarde. Le gamin : Peut-être que si
je me concentre, il va me le donner.Je lui donnerais ma photo en échange. Le gamin (à l’air plus jeune) du portrait photo : C’est ça
!, vas-y toi-même !, c’est moi qui le prends le
sabre d’abord. Le gamin : Papa, papa y fait rien qu’à m’embêter, pas vrai
que c’est moi le plus fort, hein pas vrai ? Le père :
Mais oui mon fils t’es beau, mais restes sage, ils sont venus me voir parce que je fais un travail
important. La mère : Tout le monde dit que je suis une femme
remarquable. Le pull à rayures : Sans moi tu aurais un teint de papier mâché.
Je suis la seule note de couleur vive. Le canapé : Oui, mais ma parure
exquise à une profondeur, un velouté incomparable. Le tableau : Sans mes roulottes tziganes, rien
n’indiquerait que vous êtes une famille roumaine.Je
suis la clef de la photo. Le cactus, à la plante verte : Les imbéciles, sont-ils
naïfs de se rengorger de la sorte, il n’a échappé à personne que j’ai fleuri.
Vous avez vu beaucoup de cactus fleurir en Roumanie ? La
plante verte, à elle-même : C’est ça, c’est ça, tremblez pauvres carcasses. Je
suis un O.G.M, et je me repends doucement, en silence, pendant que vous ne me regardez pas… Céline D
Le canapé Moi le canapé, qui trône en ce banal salon, tel que vous me
voyez, aujourd’hui défraîchi, j’eus en des temps meilleurs, mon heure de gloire.
Croyez-moi, j’en ai supporté d’augustes fessiers à l’époque
dorée de ma splendeur. Lorsque les Ceausescu régnaient ici en
maîtres et qu’Elena académicien et docteur es Sciences distribuait à foison les
diplômes comme d’autres les cartes du Parti, je fus de toutes les réceptions et
de tous les cocktails. Dans le Grand Salon du palais d’hiver à Bucarest, je fis
défiler tout ce que la Roumanie d’alors compta de gloires éphémères. Du Prix
Nobel de Chimie à l’élève le plus méritant sans oublier les remises de médailles
des dignitaires soviétiques et le meilleur ouvrier de l’année, tous, absolument
tous prirent place un jour sur ces coussins. Certains se vautrèrent, d’autres se
figèrent, d’autres encore s’assirent du bout des fesses. Petites fesses, larges
fesses, fesses dures ou fesses molles, jambes négligemment écartées ou genoux
compulsivement serrés, bras ballants ou mains jointes agrippant leurs
distinctions honorifiques fraîchement gagnées; j’assistais à tous les
couronnements, toutes les joies, les larmes, les conciliabules, les messes
basses, les rancoeurs, mais aussi les victoires éclatantes, les secrets d’État
et les secrets d’alcôve. Oui, aujourd’hui encore je tiens ma place, la première,
sans moi cette photo de famille ne serait pas.
La toile Moi
le tableau, là sur le mur, oui approchez-vous un peu, encore, encore un brin,
oui voilà, là ! À présent, étudiez-moi de près pour mieux appréhender mon
histoire. Mon mérite est bien moins ostentatoire. Dis voir le canapé, les Roms,
ça ne t’inspire rien ? L’âme de notre pays, l’itinérance, les roulottes, les
sanglots des violons qui viennent mourir sur un dernier soupir. Notre liberté
passée à sillonner les routes, ces routes qui nous menèrent jadis d’Inde en
Andalousie. Ceux d’entre nous qui se fixèrent ici connurent un terrible destin.
L’ostracisme, l’oppression, les camps, l’enfermement et en dépit de tout,
toujours, comme un leitmotiv, le violon, l’accordéon ou le hautbois nous
sauvèrent de l’horreur pour honorer la vie. S’il en est un qui donne corps à
cette photo, ne cherchez pas, c’est moi et moi seul !
Le cactus Non mais vous entendez ? Je n’en crois pas mes petites
oreilles de cactus ! Écoutez donc mon histoire et vous verrez que ces
fanfarons-là sont juste des seconds couteaux. Né en Arizona d’un père mexicain
originaire de Tijuana, émigré clandestin et d’une mère californienne tout ce
qu’il y a de mieux et de bon chic bon genre, j’en ai vu du pays avant d’atterrir
ici. D’avions en trains de nuit et autres bennes de camions horticoles, j’en ai
franchi des ponts, des frontières, des régions arides, des cols enneigés et même
un océan. Un tel périple pour finir dans ce petit salon mal chauffé l’hiver. Et
pourtant tous les printemps, je porte encore vaillamment ma fleur, je vis, je continue et lorsque les jours de
grand vent, les
fenêtres sont ouvertes, je pousse mes graines loin, très loin au-dehors pour
poursuivre le voyage. Ma morphologie particulière fait de moi une plante
d’ornement recherchée. Nous avons nos salons, nos concours et nos admirateurs.
Allons le canapé et toi aussi la toile soyez donc beaux joueurs et laissez la
place !
La photo du petit garçon Moi la photo, oui là celle du petit garçon, ai traversé la
seconde guerre mondiale, le communisme, la guerre froide, l’effondrement du bloc
de l’est. Je connus aussi les ors et les dorures des palais présidentiels et les
datchas des rives de la Mer Noire lorsque la vodka coulait à flots et que les
dignitaires du Parti fuyaient les étés torrides de Bucarest pour les soirées
parfumées des roses du bord de
mer. Moi seule eus une histoire hors du commun m’amenant à
revendiquer aujourd’hui le premier rôle.
Lorsque Brassai immortalisa le petit Nicolae Ceausescu à l’âge de 2 ans, qui eut
alors prédit une telle destinée ? Je suivis la famille durant des années, témoin
de l’ascension, de l’avènement puis de la chute de Nicolae. Moi seule pourrais
tout raconter de ce que les journaux et les livres d’histoire jamais ne vous
révèleront. Bien que les hasards et les sursauts chaotiques de l’histoire m’aient menée ici
aujourd’hui, il est normal que je revendique la seule, l’unique place qui me revienne de droit, la
première!
Le père de famille Quelle foire d’empoigne ! Si je n’avais pas invité le
photographe, point de photo et vous auriez vraiment sombré dans l’oubli. Nous
aurions aussi pu être photographiés dans
le jardin, la rue ou une pièce vide. Votre chère célébrité tient donc à bien peu de choses
voyez-vous. Allons, Olga, Boris, sortons et laissons ces aigris réfléchir
….
Épilogue Aux
dernières nouvelles, le canapé, la toile, le cactus et la photo ont monté un
syndicat pour la protection des objets usuels et en ont appelé à la Cour
Européenne de Justice qui devrait prochainement statuer sur leur sort.
Anne
Février la fraicheur un matin lumineux qui caresse le
dos J’ai pas envie d’y aller ! L’escalier sous les pieds les pieds
comme du plomb accroché à la rampe au contact glacé J’ai pas envie d’y
aller ! Dans la bouche putride du Métropolitain couleurs vives et
néons qui serrent autant le coeur que des lampions forains J’ai pas
envie d’y aller ! Regarder hébété des ombres remonter des ombres se
croiser penser s’enraciner J’ai pas envie d’y aller ! Entre deux entre
rien qui vous prendra la main pour descendre ou bien s’éloigner
? J’ai pas envie d’y aller ! Céline
D
Extérieur jour/ terrasse toit, voix off d’Antonia, femme de
Gabriel -« Ohé, chéri, tu as oublié
ton cache –nez, tu vas encore attraper froid. Merde il m’entend pas ce con.
Gabriel Bregovic, je te parle, ne tourne surtout pas la tête ça pourrait te
fatiguer. »
Extérieur jour/terrasse
toit, voix off de Mikhal Radovic, voisin de Gabriel et Antonia Bregovic -« Antonia Bregovic arrête de hurler comme ça, tu réveilles
tout l’immeuble ;Il risque pas de t’entendre ton époux, il est au moins à 500
mètres à vol d’oiseau. »
Extérieur jour/ terrasse toit, voix off d’Antonia, femme de
Gabriel -« Oui Mikhal Radovic, mais
Gabriel à faire le beau sur les toits il va encore me faire une bronchite et qui
c’est qui va le soigner pépère, c’est bibi et bibi elle est fatiguée. »
Exterieur jour/terrasse toit, voix off
de Mikhal Radovic, voisin de Gabriel et Antonia Bregovic -«Fais- lui signe ou amène-lui son cache- nez, mais tais-
toi, tu fais honte au voisinage.»
Exterieur jour/ terrasse toit, voix off de Pavel Bojovic,
photographe ; -« Pardonnez-moi
Mr.Bregovic, vous pourriez vous concentrer un peu, je vous sens distrait et avec
le froid qui fait, on ne va pas passer des heures pour une photo. »
Exterieur jour/ terrasse toit, Gabriel Bregovic,
principal intéressé -«J’entends bien Mr
Bojovic, mais je perçois des cris qui ressemblent furieusement à la voix de ma
femme; Je pense que c’est juste une histoire de cache-nez et j’avoue que ça me
déconcentre. »
Exterieur jour/
terrasse toit, voix off de Pavel Bojovic, photographe -« Vous m’étonnez, je ne
vois pas de femme à l’horizon. Recentrez-vous Mr. Bregovic avec la casquette et
les moustaches, vous limitez les courants d’air, et plus vite nous finirons plus
vite vous retrouverez Mme Bregovic et son cache-nez »
Exterieur jour/ terrasse toit, Gabriel Bregovic principal intéressé -« Ah non Pavel Bojovic, le
cache-nez n’appartient pas à mon épouse, c’est le mien dont nous parlons, et
avec ce froid il faut admettre qu’il ne serait pas de trop. »
Exterieur jour/ terrasse toit, voix off de Pavel Bojovic,
photographe -« Qu’à cela ne tienne.
Répondez-lui qu’elle vous l’amène, on ne va pas passer la nuit là- dessus.
»
Exterieur jour/ terrasse toit, Gabriel
Bregovic, principal intéressé -« Chérie , j’ai oublié
mon cache-nez… »
Pascale
|