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Toner de Brecht    Révolutionnaire de pacotille
 
Comme on fait son lit….
 
Atelier de théâtre. À la mise en scène : Toner de Brecht. À gauche l’actrice qui jouera la potiche, à droite l’acteur qui mettra les points sur les «i» chaque fois qu’ils auront été omis, au centre on aura des pattes de mouche. Pour le décor, il faut plancher. D’abord sauver les meubles, les disposer en enfilade puis les nourrir comme on donne de la confiture aux cochons. Mettre les pieds dans le plat, prendre son pied et étaler soigneusement sur les meubles. Puis prendre les jambes à son cou, les allonger et comme on fait son lit on se couche.
 
Toner de Brecht travaille d’arrache-pied, il a des fourmis dans les jambes. Ras la casquette, ces fourmis dans les jambes et ces araignées au plafond, ça l’irrite. Les pattes de mouche au centre, ne doivent pas rester là, il faudra les faire filer à l’anglaise, les faire sortir et leur faire battre la campagne. À contre-jour, Siegfried, allongé sur le lit, aura un mot sur le bout de la langue, un poil dans la main et un pied dans la tombe située en contrebas du lit. En cas de refus de mettre un pied dans la tombe, Siegfried prendra un coup de soleil. Il le faudra pour essuyer le refus. Si l’actrice fétidhe tombe enceinte, il faudra lui faire monter la moutarde au nez comme il est écrit dans le scénario. Après la moutarde, on prendra la poudre d’escampette et on la lui appliquera jusqu’à ce qu’elle ait l’eau à la bouche.
 
Comme on fait son lit, comme on plie boutique, on a planté le décor, déclare Toner de Brecht, enfin rassuré. Reste à régler le problème de l’escalier qui se dérobe sous ses pieds là bas à l’entrée de la scène. Ne serait-ce pas que le silence est trop pesant sur les premières marches ? Il faudra donc rajouter des mots, des mots qui s’envoleront dans l’espace et chasseront le silence. Des mots révolutionnaires à crier, à gueuler devant les spectateurs immobiles, médusés. Ces mots suffiront-ils à les réveiller ou bien comme on fait son lit… ? S’il en faut plus, on ajoutera  des mots de pacotille, des mots de roman de gare, des calembours, des mots de peu de valeur et l’on repartira progressivement avec des mots à l’emporte-pièce bien mordants.
 Là, peut-être en moins de temps qu’il ne faut pour les dire, ces mots feront-ils mouche et l’on pourra, s’il le faut,  rappeler les pattes de mouche parties battre la campagne. Un bien dur métier que celui de révolutionnaire de pacotille, soupire Toner de Brecht.
 
Tous ces spectateurs boivent sans soif de découvrir, comment les amener à réagir ? Que de mots à inventer pour leur sortir les vers du nez de travers de porc grillé sous les sunlights des tropiques, tempête Toner de Brecht. Je pourrais peut-être réorienter cette ampoule au pied de la lettre. Un nouvel éclairage, un nouveau décor comme une sorte de tête à queue de chat de gouttière pour éviter de finir dans le théâtre de caniveau. Et pourquoi ne pas remplacer ces chants révolutionnaires par une musique de chambre à coucher. Comme une sorte de décalage avec les mots. Toner commence à se faire un sang d’encre d’écolier.
Va-t-il réussir à réveiller les spectateurs ?
 
 C’est alors que l’actrice potiche se lance dans une série de sauts effrénés de moutons de Panurge. C’est sûrement ce qu’il faut pour arracher aux spectateurs des sourires de circonstances graves. Comme si tout à coup, ils étaient capables de sentir le danger que représentent les serpents à lunettes de soleil de plomb qui sortiront de l’escalier dérobé. De grands cris fuseront de la salle, certains s’armeront de mouchoirs en papier de verre pour étouffer leurs cris et sécher leurs larmes d’effroi. Dans la salle, la chaleur deviendra accablante, une véritable chape de plomb. Et tous comprendront enfin ce que l’arrière du camion de marchandises en transit de clandestins livrés à eux-mêmes a à leur révéler.
Les spectateurs éberlués verront des clandestins sortir un par un, se disperser dans ce décornélien et hurler des mots de pacotilleul. L’un d’entre eux, un spectacleptomane, se ruera sur tous les mots répandus sur la scène. Il vlanquera les plus violents, happera les plus fragiles et bzzera les plus doux. Toner de Brecht se dit qu’il tient enfin là, la pression qu’il veut exercer sur les spectateurs. Il aura semé le vent et récoltera la tempête.

La scène ne sera plus que révolution des mots. Certains mots se scinderont pour s’unir à d’autres jusqu’à ne plus vouloir rien dire. Ils deviendront des incompris, mais les spectateurs y retrouveront une forme de poésie qui jusque-là faisait défaut. Les spectateurs seront libres de les interpréter à leur guise. Ils deviendront à leur tour des acteurs et s’inquièteront de voir les clandestins chasser frénétiquement les mots. Ils décideront alors de s’emparer de la scène, de se mêler aux clandestins, de recueillir les mots éparpillés, et ce faisant de les reconstituer comme bon leur semblera. Toner de Brecht sent qu’il a enfin atteint son but, sa  révolution de pacotille est  en marche. Pour finir, le rideau de scène floppera sans étouffer dans l’œuf la révolution naissante des mots.
 
Bernadette
 
 
Rien ne sert de courir
 
Approchez ! Approchez !
Moi, le grand Zino Chammé, c’est pas en deux, c’est pas en trois, mais c’est bien en quatre que je vais vous couper les cheveux. Ne gardez plus votre langue dans la poche, sortez-la que je vérifie si quelques cheveux ne s’y trouvent pas. Je tiens à préciser que je fais également les poils dans la main, car un poil oublié est un cheveu qui s’ignore.
Monsieur, vous en avez ras la casquette et plein le dos ? Laissez-moi vous en débarrasser.
Madame, la moutarde vous monte au nez ? C’est peut-être que quelques pilosités rebelles permettent l’ascension de ce condiment. Laissez-moi vous les arracher, non pas en deux, non pas en trois, mais en quatre.
Mesdemoiselles, vous en avez les cheveux qui se dressent sur la tête ? Tant mieux, ça me facilitera le travail.
Jeune homme, vous vous êtes coiffé avec un pétard et cela vous va très bien. À part, bien sûr, ces quelques cheveux brûlés par la détonation. Qu’à cela ne tienne, puisque Zino est là pour les réduire non pas en deux, non pas en trois, mais en quatre.
Et toi le gamin, je vois que tu tournes sept fois ta langue dans ta bouche, ce qui t’empêche de t’exprimer. Viens me voir, aujourd’hui je te rase gratis !
Alors grand-mère, chez vous les murs ont des oreilles et elles débordent de cheveux ? Je suis votre homme et c’est pas en deux, c’est pas en trois, mais en quatre que je vous les ratiboiserais.
 
Ma harangue achevée, je m’attaque à mon premier client est roi de coeur sur la main. Son abondante pilosité me donne du fil à retordre, cela me décourage, mais tout professionnel que je suis, je prends mon courage à deux mains, si vous le voulez bien. Je cogite sur la meilleure façon d’appréhender le problème de mathématique à rendre lundi. Égaré dans mes pensées, un gamin turbulent me réveille-matin. Ce trouble-fête à noeud-noeud a eu la bonne idée d’allumer un pétard à mèche de cheveux plaqué contre le mur. Cela me fait l’effet d’un électrochoc, tout devient clair de lune à Maubeuge, je saisis mes ciseaux et, ni une, ni deux et deux font quatre, je m’affaire à cheval sur cette tête à claques. Le résultat est stupéfiant de tableau quatre.
 
J’achève le travail en scritchant avec mon rasoir féticheveu. Je le pfftpffte d’eau de toilette et voici notre abrutignasse, fier comme Artabandepoisson.
«Au suivant d’autan !» - époumonais-je. La mère du morveux de chasteté qui m’avait réveillé, attrape son rejeton et l’installe de force sur le siège. Il se débat, il aïaïlle avant même que je le touche. L’affaire ne va pas être simple, une seule solution le gourdinfantile. Un peu coup sur la tête de ce chenapan et je pourrais m’attaquer à cette pilositerreur. J’hésite entre une impermanente et un chtouingage des cheveux comme un mouton, mais elle préfère un rasage à blanc de poulet. En m’approchant du crâne de l’enfant des sixties, je la comprend mieux. C’est infecté de poupoupidou ! Je commence par le ciseauzoter, mais v’là-t’y pas que ces derniers refusent de travailler et se mettent en grève entraînant avec eux le peigne. Je tente de saisir le rasoir, il s’échappe et revient avec la brosse qui en douce avait préparé des piquets de grève. Même le tablier s’en mêle, manquant d’étouffer de peu le petiot. Devant la menace des accessoires qui à présent m’entourent, je préfère déguerpir-to-pear.

malib’  
 
 

Chercher midi à quatorze heures c’est possible aujourd’hui grâce au voyage de la pierre qui roule et qui n’amasse pas mousse. Pour une modique somme, nous vous proposons de récupérer vos retards qui sèment le vent et récoltent la tempête. Fini les rendez-vous manqués. Fondre comme neige au soleil quand vous le voudrez, dormir debout sans que personne n’ait le temps de s’en rendre compte, car après la pluie vient le beau temps et vous n’aurez plus à subir les intempéries où chacun voit midi à sa porte. Mais s’agit-il du même midi qu’au début ? Tout vient à point à qui sait attendre et dans ce cas précis, vous aurez deux heures de rab.
 
malib