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Petits noms
‘Bonjour petit cœur, tu ne ressembles pas vraiment à ton
père’… ‘Va te faire foutre bâtard, ta mère c’était qu’une collabo’… ‘Dis
donc chéri, ces beaux yeux bleus, tu les tiens de qui’ ? ‘Mon pote,
j’ignorais que tu pratiquais l’allemand dans le texte’… ‘Alors professeur, on
me dit que vous repartez pour une conférence à Berlin’… ‘Mein schatz, il est
tard, tu viens te coucher’ ? ‘Lieutenant vous parlez couramment russe, votre
présence est donc indispensable’… ‘Camarade, bienvenue dans votre nouvelle
patrie’. ‘Oui agent Z18, il faudrait lui faire passer la frontière cette
nuit, un simple échange de routine’… ‘Non Monsieur aucun vol pour Paris avant
dimanche’. ‘Cher ami, je vous couvrirai mais méfiez-vous, on n’efface pas si
aisément son passé’… ‘Mon fils, après tant d’années, c’est incroyable ce que
peut faire la chirurgie esthétique’. ‘Où donc exerciez-vous auparavant cher
collègue’ ? ‘Mon amour, pourquoi m’avoir caché ta véritable identité’
? ‘Vous êtes promu Membre d’Honneur de notre association pour l’amitié
franco-russe’. ‘Sans blague papa, c’est toi sur les photos avec Kroutchev’
? ‘En tant que diplomate, vous nous représenterez lors de la conférence
internationale pour la paix’… ‘Grand-père, c’est vrai que tu as passé plus de
vingt ans de l’autre côté du mur’ ? ‘Pauvre vieux, on
dit que la CIA t’a buté, je me demande si ta tombe porte ton véritable nom’.
anne
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Aie aie aie, maman chuis tombée de
vélo Aie aie aie, il me gave ce mec Aie aie aie, ma vieille les
accouchements ça rigole pas Aie aie aie, j’aurais du me barrer voilà
longtemps Aie aie aie, franchement mon pote, les lendemains de fête j’y
arrive plus Aie aie aie, je supporte plus cette arthrose Aie aie aie, je
suis bien seule, les enfants sont loin, ils ont leur vie Aie aie aie,
franchement mon pote, les lendemains de fête j’y arrive plus Aie aie aie, ça
va faire une belle explosion, ciao tutti….
anne
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Dodo mon petit poupon. Hé le mioche,
comment qu’tu t’appelles ? Toi l’aînée, tu es responsable de tes petits
frères; Espèce d’étourdie, tu recopieras 30 fois, « je ne dois pas
oublier » Truc muche tu viens jouer à la marelle ? La petite sixième
qu’est-ce que tu fais dans ce couloir ? Levons notre verre à la bachelière
! Attention, mademoiselle la baby-sitter, à bien le surveiller ! La
stagiaire n’a qu’à faire les photocopies… Tu viens danser ma poule ? Ma
douce, j’aime ton sourire; Jeune épousée, c’est à vous d’ouvrir le
bal. Allez la parturiente il faut pousser, ça va venir ! Manman z’aime pas
les épinards ! Madame la chef de service, je voudrai changer de poste… Mme
la présidente des parents d’élèves il faut que vous sachiez que les devoirs sont
nécessaires. Responsable légale de cet ado, vous devez assumer ! Mégère
comme ta mère, ça suffit, je te quitte ! Ma petite dame je le pose ou le
piano ? La daronne, j’veux sortir ? À toi ma copine, je peux tout dire :…
; La belle-doche, vous nous gardez le petit ? Mamidou tu me racontes une
histoire ? Chère collègue, à la veille de votre départ, nous levons notre
verre ! Allez la mamie, on monte vite dans le car avec les autres ! Oh la
vieille, elle n’entend plus ! À notre regrettée défunte…
Yveline
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Mr Dupont sortit de chez lui à 16 heures
pour se rendre à son rendez-vous. Sur place, il attendit trente minutes
l’arrivée de Mlle Durand.
Mr Dupont , impatient comme il ne l’avait été depuis fort
longtemps, sortit de chez lui à 15 heures. Il n’aimait pas être en retard à
ses rendez-vous. Parvenu au square, il patienta 1h30 sur un banc. La
température clémente de ce mois de décembre l’incitait à l’optimisme. Mlle
Durand arriva ponctuelle, il lui proposa timidement un café ou un
rafraîchissement. Elle sourit et accepta chaleureusement.
Mr Dupont , fébrile, but rapidement un café, se rasa
maladroitement, trébucha sur le tapis en sortant et se tordit la cheville. Il
était 14h30, il se savait ridiculement en avance. Au square, il s’installa sur
un banc. L’air était vif, on était en décembre, il avait gelé au petit
matin. Deux longues heures s’écoulèrent, il avait froid et commençait à
perdre courage lorsque Mlle Durand survint enfin. Il lui proposa un café,
‘juste là au petit bar sur la place, voulez-vous’ ? Elle accepta.
Mr Dupont s’éveilla très tôt. Il avait fort mal dormi. Ce
premier rendez-vous depuis des années le rendait nerveux. Il se coupa en se
rasant maladroitement, se brula la langue en ingurgitant trop vite un café,
trébucha lourdement dans l’escalier et sortit en boitant. Il était 14 heures
lorsqu’il parvint au square et s’installa sur un banc. Les allées étaient quasi
désertes, la neige tombée en abondance durant la nuit avait détrempé ses
chaussures, un vent froid soufflait avec force. Il éternua bruyamment. Il
patienta deux longues heures. Transi, il se mit à pester contre Mlle Durand. A
16h30, enfin, elle apparut. Il ne lui proposa même pas un verre et suggéra
gauchement de se rendre à l’hôtel le plus proche. Mlle Durand, choquée, eut une
légère hésitation et proposa plutôt un café dans un petit bar voisin.
Mr Dupont, l’estomac noué par l’appréhension, s’éveilla à
l’aube. Sa nuit avait été peuplée de terribles cauchemars, il ne pouvait
réprimer le tremblement de ses mains. Anxieux, il s’interrogea sur l’opportunité
d’un tel rendez-vous. Il s’ébouillanta sous la douche, se fit au visage une
vilaine entaille au rasoir, chuta dans l’escalier de marbre en sortant et se
fendit méchamment la lèvre. Lorsqu’il se redressa, une douleur aiguë traversa sa
cheville, l’immobilisant quelques instants. Il sortit prudemment en
claudiquant et eut un mal fou à parcourir les quelques centaines de mètres qui
le séparaient du square. Il y parvint enfin et grelottant s’affaissa lourdement
sur un banc. La neige tombait de plus en plus dru et la bise glaciale de
décembre gémissait en rafales. Pas une âme qui vive à la ronde. Mlle Durand
viendrait-elle ? Il avait horriblement mal à la cheville, son visage était
gonflé et douloureux. Le sang sur sa lèvre sécha et sa blessure à la joue bleuit
sous l’effet du froid mordant. Transi, malheureux, il se mit à claquer des
dents, maudissant cet absurde rendez-vous. Mlle Durand apparut enfin et
lorsqu’il proposa brutalement de se rendre chez lui, elle eut un mouvement de
recul et répondit qu’elle ne disposait que de quelques minutes, mais que cela
semblait suffisant pour une première rencontre.
Mr Dupont ouvrit les
yeux complètement angoissé.Une mauvaise
crise de tachycardie l’avait tenu en éveil une grande partie de la nuit et il ne
parvenait pas à apaiser les battements sourds qui ébranlaient sa poitrine.
Pourquoi donc avait-il accepté ce satané rendez-vous ? Fébrilement il ouvrit
un placard dont la porte heurta violemment sa tempe. Le sang jaillit,
abondant. Il appliqua un sparadrap sur la blessure, puis un second sur la
joue pour masquer la profonde balafre qu’il s’affligea maladroitement en se
rasant. La douche brulante l’ébouillanta, détachant de son visage écarlate des
lambeaux de peau grisâtre. Il se vêtit à la hâte, sortit en courant et, dans
sa précipitation, fit une terrible chute dans l’escalier. Ses lèvres explosèrent
littéralement au contact du marbre et trois de ses dents se brisèrent laissant
sa mâchoire à nu. Sa cheville abimée par la chute enfla de façon telle qu’il
dut retirer chaussure et chaussette. Misérable, se trainant avec peine dans les
rues enneigées, il héla un taxi. Au premier carrefour, un coup de frein
malencontreux sur une plaque de verglas le projeta brutalement contre le siège
avant et son nez se mit à pisser le sang. Sa chemise et sa veste se colorèrent
d’un rouge inquiétant. Prenant à partie le chauffeur quant à l’irresponsabilité
de sa conduite, il fut promptement éjecté du véhicule par le-dit chauffeur. Sa
tête heurta la chaussée et un énorme hématome se forma sur son front.
Chancelant, meurtri et toute confiance en lui abolie, il rampa plus qu’il ne
marcha jusqu’au square. Là, piteusement, il se recroquevilla sur un banc alors
que tourbillonnaient de violentes rafales de neige et que le blizzard
s’engouffrait en hurlant dans les allées désespérément vides. Mlle Durand
était en retard, peut-être avait-elle été découragée par la tempête.
Il se mit à grelotter, pitoyable, le visage et le corps affreusement
douloureux, réprimant avec peine des sanglots. Sa balafre à la joue violaça
sous la température glaciale de ce mois de décembre, le plus froid disait-on
depuis le terrible hiver 56. Son pied nu gela, le sang coagula sur son œil
maintenu clos par sa vilaine blessure à la tempe, l’hématome sur son front
engendra une horrible migraine. Ses lèvres, pulvérisées par la chute au
sortir de chez lui, n’étaient plus que charpie et fermaient avec peine sur le
pénible souvenir des quelques dents abandonnées dans l’escalier. Son nez
tuméfié présentait un œdème inquiétant, il respirait avec grande difficulté.
Subitement, une douleur fulgurante zébra sa poitrine. Durant quelques minutes
son corps fut agité d’irrépressibles soubresauts d’une extrême violence, puis,
soudainement, il se raidit dans un cri. Un long gargouillis s’échappa de ses
lèvres sanguinolentes puis plus rien, le silence….. Lorsque Mlle Durand parvint
enfin, il était mort depuis près d’une heure.
anne
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Froufrou, c’est doux…. c’est maman qui
vient, Froufrou, la belle robe pour ma poupée Barbie ! Froufrou, ça crisse
mes premiers bas pour la sur-boom, Froufrou, ma joue contre la tienne,
Froufrou, le voile de la robe de mariée ! Froufrou, les rideaux à laver
; Froufrou, autour du berceau de l’enfant… Froufrou, ma fille regarde ce
satin, je vais te faire une jolie robe. Froufrou, moire, velours, lamés, j’ai
toujours aimé les étoffes ! Froufrou, ma vielle main tremble dans la fourrure
du chat, mon seul compagnon ; Froufrou, vie futile, chiffons et ménage,
quotidien très ordinaire… Froufrou, ma vie s’amenuise, ne tient qu’à un
fil…
Snif, ça sent: exhalation de lait et de miel, voilà maman
avec le sein nourricier ; Snif, ça sent : crayons taillés, senteur de livres
neufs, c’est la rentrée ! Snif, ça sent : remugle du tas de fumier, foins
coupés odorants, chic, c’est les vacances chez mamie ! Snif, ça sent : la
sueur, l’angoisse, j’ai si peur de rater cet examen ! Snif, ça sent : le
patchouli, l’herbe, on est tous frères, on s’aime ! Snif, ça sent :
iode et varech, beurre et crêpes, voici ma Bretagne, ma chérie ! Snif, ça
sent le caca ! Mon bébé il faut changer la couche ! Snif, ça sent : arômes de
fruits rouges et craie, ce doit être un Fronton et celui-ci, miel et fragrance
de cuir, un Jurançon ? Snif, ça sent le médicament et le chou, ça sent
l’angoisse et la solitude, je ne veux pas rester dans cet hôpital ! Snif, ça sent l’ankou, je sens venir la mort : pourriture,
encens et fleurs fanées.
Yveline
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Monsieur Dupont sortit de chez lui à seize
heures pour se rendre à son rendez-vous. Arrivé sur place, il attendit trente
minutes avant que mademoiselle Durand n’arrive.
Albert Dupont s’était mis sur son trente-et-un. Il partit pour
son rendez-vous fixé à seize heures trente. Il arriva en avance, commanda un
café, puis un autre. Alors qu’il allait boire le troisième, finalement
mademoiselle Durand arriva.
C’était le grand jour , pour l’occasion il s’habilla comme un
prince. Il vérifia encore une fois sur son agenda l’heure et le lieu de son
rendez-vous. En partant à seize heures pile, il lui faudrait quinze minutes pour
se rendre au café de la paix, il serait en avance et c’était bien vu pour un
rendez-vous amoureux. Il commanda un café pour patienter, puis comme son courage
s’évanouissait, il commanda un cognac. Il allait en prendre un autre, quand la
belle apparut.
Il avait marqué ce jour en
gros sur son agenda . Il essaya tous
ses habits et finalement opta pour la tenue «crooneur des plages». Il imprima la
trajectoire la plus courte trouvée sur internet, l’étudia et après maints
calculs, en conclut qu’il était temps de partir. Il s’était trompé et arriva
trop tôt. Il entra dans le café, choisit l’endroit le plus romantique, installa
des fleurs sur la table, le piège était prêt. Pour patienter, il commanda un
cognac, puis un autre et encore un, jusqu’à ce que le garçon fatigué lui laissa
la bouteille. Il attaquait la moitié de celle-ci quand la retardataire
entra.
De son armoire, il sortit son costume de dragueur
préféré, se servit un cognac ,
se parfuma à volonté, se resservit un cognac et fila à son rencart. Pour une
fois il était à l’heure, elle pas. Il était familier du lieu, le barman l’ayant
déjà ramené plusieurs fois chez lui, car il était trop bourré. Il s’assit au
comptoir, on lui servit un cognac, on connaissait ses habitudes. Après quelques
verres, il s’enthousiasma et offrit une tournée générale. Il y eut une
explosion de joie qui lui donna envie de chanter. Il était fort pour ça et tout
le monde l’encourageait. C’est au moment où il s’attaquait aux chansons
paillardes que la pétasse rappliqua.
malib’
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Chemin terreux sur lequel tu t’avances
prudemment, à quelques mètres devant moi, slalomant entre les feuilles. La règle
du jeu consiste à éviter tout ce qui peut t’amener vers la sortie du sous-bois
en un seul morceau, c’est-à-dire mettre le pied en sûreté sur une surface
stable, dégagée, qui ne présente pas en apparence de danger tel qu’une mine
antipersonnelle. Cette prudence ne dessert que sa propre survie. Tu y vas donc
tranquillement et je suis scrupuleusement tes empreintes. Je t’entends vaguement
chanter, sûrement ton remède contre la peur mais je ne reconnais pas cet air. Ma
plus grande crainte est que nous soyons perdus et que nous n’arrivions pas à
retourner au village de Parabia. À cette pensée j’en ai le souffle court. Jamais
je n’aurais imaginé il y a deux semaines que ce voyage humanitaire m’amènerait à
traverser la forêt amazonienne avec toi devant, mon guide, mon protecteur, mon
démineur. Ma mémoire me permettra-t-elle de garder cette expérience comme page
de mon histoire que j’espère bientôt fermer.
celine b
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