octobre      novembre       décembre      janvier      février      mars      avril      mai      juin
 
Petits noms
 
‘Bonjour petit cœur, tu ne ressembles pas vraiment à ton père’…
‘Va te faire foutre bâtard, ta mère c’était qu’une collabo’…
‘Dis donc chéri, ces beaux yeux bleus, tu les tiens de qui’ ?
‘Mon pote, j’ignorais que tu pratiquais l’allemand dans le texte’…
‘Alors professeur, on me dit que vous repartez pour une conférence à Berlin’…
‘Mein schatz, il est tard, tu viens te coucher’ ?
‘Lieutenant vous parlez couramment russe, votre présence est donc indispensable’…
‘Camarade, bienvenue dans votre nouvelle patrie’.
‘Oui agent Z18, il faudrait lui faire passer la frontière cette nuit, un simple échange de routine’…
‘Non Monsieur aucun vol pour Paris avant dimanche’.
‘Cher ami, je vous couvrirai mais méfiez-vous, on n’efface pas si aisément son passé’…
‘Mon fils, après tant d’années, c’est incroyable ce que peut faire la chirurgie esthétique’.
‘Où donc exerciez-vous auparavant cher collègue’ ?
‘Mon amour, pourquoi m’avoir caché ta véritable identité’ ?
‘Vous êtes promu Membre d’Honneur de notre association pour l’amitié franco-russe’.
‘Sans blague papa, c’est toi sur les photos avec Kroutchev’ ?
‘En tant que diplomate, vous nous représenterez lors de la conférence internationale pour la paix’…
‘Grand-père, c’est vrai que tu as passé plus de vingt ans de l’autre côté du mur’ ?
‘Pauvre vieux, on dit que la CIA t’a buté, je me demande si ta tombe porte ton véritable nom’.
 
anne
 
 
Aie aie aie, maman chuis tombée de vélo
Aie aie aie, il me gave ce mec
Aie aie aie, ma vieille les accouchements ça rigole pas
Aie aie aie, j’aurais du me barrer voilà longtemps
Aie aie aie, franchement mon pote, les lendemains de fête j’y arrive plus
Aie aie aie, je supporte plus cette arthrose
Aie aie aie, je suis bien seule, les enfants sont loin, ils ont leur vie
Aie aie aie, franchement mon pote, les lendemains de fête j’y arrive plus
Aie aie aie, ça va faire une belle explosion, ciao tutti….
 
anne
 
Dodo mon petit poupon.
Hé le mioche, comment qu’tu t’appelles ?
Toi l’aînée, tu es responsable de tes petits frères;
Espèce d’étourdie, tu recopieras 30 fois, «  je ne dois pas oublier »
Truc muche tu viens jouer à la marelle ?
La petite sixième qu’est-ce que tu fais dans ce couloir ?
Levons notre verre à la bachelière !
Attention, mademoiselle la baby-sitter, à bien le surveiller !
La stagiaire n’a qu’à faire les photocopies…
Tu viens danser ma poule ?
Ma douce, j’aime ton sourire;
Jeune épousée, c’est à vous d’ouvrir le bal.
Allez la parturiente il faut pousser, ça va venir !
Manman z’aime pas les épinards !
Madame la chef de service, je voudrai changer de poste…
Mme la présidente des parents d’élèves il faut que vous sachiez que les devoirs sont nécessaires.
Responsable légale de cet ado, vous devez assumer !
Mégère comme ta mère, ça suffit, je te quitte !
Ma petite dame je le pose ou le piano ?
La daronne, j’veux sortir ?
À toi ma copine, je peux tout dire :… ;
La belle-doche, vous nous gardez le petit ?
Mamidou tu me racontes une histoire ?
Chère collègue, à la veille de votre départ, nous levons notre verre !
Allez la mamie, on monte vite dans le car avec les autres !
Oh la vieille, elle n’entend plus !
À notre regrettée défunte…
 
 Yveline
 
 
Mr Dupont sortit de chez lui à 16 heures pour se rendre à son rendez-vous. Sur place, il attendit trente minutes l’arrivée de Mlle Durand.
 
Mr Dupont , impatient comme il ne l’avait été depuis fort longtemps, sortit de chez lui à 15 heures.
Il n’aimait pas être en retard à ses rendez-vous.
Parvenu au square, il patienta 1h30 sur un banc.
La température clémente de ce mois de décembre l’incitait à l’optimisme. Mlle Durand arriva ponctuelle, il lui proposa timidement un café ou un rafraîchissement. Elle sourit et accepta chaleureusement.
 
Mr Dupont , fébrile, but rapidement un café, se rasa maladroitement, trébucha sur le tapis en sortant et se tordit la cheville. Il était 14h30, il se savait ridiculement en avance. Au square, il s’installa sur un banc.
L’air était vif, on était en décembre, il avait gelé au petit matin.
Deux longues heures s’écoulèrent, il avait froid et commençait à perdre courage lorsque Mlle Durand survint enfin.  Il lui proposa un café, ‘juste là au petit bar sur la place, voulez-vous’ ? Elle accepta.
 
Mr Dupont s’éveilla très tôt.
Il avait fort mal dormi. Ce premier rendez-vous depuis des années le rendait nerveux. Il se coupa en se rasant maladroitement, se brula la langue en ingurgitant trop vite un café, trébucha lourdement dans l’escalier et sortit en boitant. Il était 14 heures lorsqu’il parvint au square et s’installa sur un banc. Les allées étaient quasi désertes, la neige tombée en abondance durant la nuit avait détrempé ses chaussures, un vent froid soufflait avec force. Il éternua bruyamment. Il patienta deux longues heures. Transi, il se mit à pester contre Mlle Durand. A 16h30, enfin, elle apparut.  Il ne lui proposa même pas un verre et suggéra gauchement de se rendre à l’hôtel le plus proche. Mlle Durand, choquée, eut une légère hésitation et proposa plutôt un café dans un petit bar voisin.
 
Mr Dupont, l’estomac noué par l’appréhension, s’éveilla à l’aube.
Sa nuit avait été peuplée de terribles cauchemars, il ne pouvait réprimer le tremblement de ses mains. Anxieux, il s’interrogea sur l’opportunité d’un tel rendez-vous. Il s’ébouillanta sous la douche, se fit au visage une vilaine entaille au rasoir, chuta dans l’escalier de marbre en sortant et se fendit méchamment la lèvre. Lorsqu’il se redressa, une douleur aiguë traversa sa cheville, l’immobilisant quelques instants.
Il sortit prudemment en claudiquant et eut un mal fou à parcourir les quelques centaines de mètres qui le séparaient du square. Il y parvint enfin et grelottant s’affaissa lourdement sur un banc. La neige tombait de plus en plus dru et la bise glaciale de décembre gémissait en rafales.
Pas une âme qui vive à la ronde. Mlle Durand viendrait-elle ?
Il avait horriblement mal à la cheville, son visage était gonflé et douloureux. Le sang sur sa lèvre sécha et sa blessure à la joue bleuit sous l’effet du froid mordant. Transi, malheureux, il se mit à claquer des dents, maudissant cet absurde rendez-vous.
Mlle Durand apparut enfin et lorsqu’il proposa brutalement de se rendre chez lui, elle eut un mouvement de recul et répondit qu’elle ne disposait que de quelques minutes, mais que cela semblait suffisant pour une première rencontre.
 
Mr Dupont ouvrit les yeux complètement angoissé.Une mauvaise crise de tachycardie l’avait tenu en éveil une grande partie de la nuit et il ne parvenait pas à apaiser les battements sourds qui ébranlaient sa poitrine. Pourquoi donc avait-il accepté ce satané rendez-vous ?
Fébrilement il ouvrit un placard dont la porte heurta violemment sa tempe. Le sang jaillit, abondant.  Il appliqua un sparadrap sur la blessure, puis un second sur la joue pour masquer la profonde balafre qu’il s’affligea maladroitement en se rasant. La douche brulante l’ébouillanta, détachant de son visage écarlate des lambeaux de peau grisâtre.
Il se vêtit à la hâte, sortit en courant et, dans sa précipitation, fit une terrible chute dans l’escalier. Ses lèvres explosèrent littéralement au contact du marbre et trois de ses dents se brisèrent laissant sa mâchoire à nu.
Sa cheville abimée par la chute enfla de façon telle qu’il dut retirer chaussure et chaussette. Misérable, se trainant avec peine dans les rues enneigées, il héla un taxi. Au premier carrefour, un coup de frein malencontreux sur une plaque de verglas le projeta brutalement contre le siège avant et son nez se mit à pisser le sang. Sa chemise et sa veste se colorèrent d’un rouge inquiétant. Prenant à partie le chauffeur quant à l’irresponsabilité de sa conduite, il fut promptement éjecté du véhicule par le-dit chauffeur. Sa tête heurta la chaussée et un énorme hématome se forma sur son front. Chancelant, meurtri et toute confiance en lui abolie, il rampa plus qu’il ne marcha jusqu’au square. Là, piteusement, il se recroquevilla sur un banc alors que tourbillonnaient de violentes rafales de neige et que le blizzard s’engouffrait en hurlant dans les allées désespérément vides.
Mlle Durand était en retard, peut-être avait-elle été découragée par la tempête. 
Il se mit à grelotter, pitoyable, le visage et le corps affreusement douloureux, réprimant avec peine des sanglots.
Sa balafre à la joue violaça sous la température glaciale de ce mois de décembre, le plus froid disait-on depuis le terrible hiver 56. Son pied nu gela, le sang coagula sur son œil maintenu clos par sa vilaine blessure à la tempe, l’hématome sur son front engendra une horrible migraine. Ses lèvres, pulvérisées par la chute au sortir de chez lui, n’étaient plus que charpie et fermaient avec peine sur le pénible souvenir des quelques dents abandonnées dans l’escalier.
Son nez tuméfié présentait un œdème inquiétant, il respirait avec grande difficulté. Subitement, une douleur fulgurante zébra sa poitrine. Durant quelques minutes son corps fut agité d’irrépressibles soubresauts d’une extrême violence, puis, soudainement, il se raidit dans un cri.
Un long gargouillis s’échappa de ses lèvres sanguinolentes puis plus rien, le silence….. Lorsque Mlle Durand parvint enfin, il était mort depuis près d’une heure.
anne
 
Froufrou, c’est doux…. c’est maman qui vient,
Froufrou, la belle robe pour ma poupée Barbie !
Froufrou, ça crisse mes premiers bas pour la sur-boom,
Froufrou, ma joue contre la tienne,
Froufrou, le voile de la robe de mariée !
Froufrou, les rideaux à laver ;
Froufrou, autour du berceau de l’enfant…
Froufrou, ma fille regarde ce satin, je vais te faire une jolie robe.
Froufrou, moire, velours, lamés, j’ai toujours aimé les étoffes !
Froufrou, ma vielle main tremble dans la fourrure du chat, mon seul compagnon ;
Froufrou, vie futile, chiffons et ménage, quotidien très ordinaire…
Froufrou, ma vie s’amenuise, ne tient qu’à un fil…

Snif, ça sent: exhalation de lait et de miel, voilà maman avec le sein nourricier ;
Snif, ça sent : crayons taillés, senteur de livres neufs, c’est la rentrée !
Snif, ça sent : remugle du tas de fumier, foins coupés odorants, chic, c’est les vacances chez mamie !
Snif, ça sent : la sueur, l’angoisse, j’ai si peur de rater cet examen !
Snif, ça sent : le patchouli, l’herbe, on est tous  frères, on s’aime !
Snif, ça sent : iode et varech, beurre et crêpes, voici ma Bretagne, ma chérie !
Snif, ça sent le caca ! Mon bébé il faut changer la couche !
Snif, ça sent : arômes de fruits rouges et craie, ce doit être un Fronton et celui-ci, miel et fragrance de cuir, un Jurançon ?
Snif, ça sent le médicament et le chou, ça sent l’angoisse et la solitude, je ne veux pas rester dans cet hôpital !
Snif, ça sent l’ankou, je sens venir la mort : pourriture, encens et fleurs fanées.
Yveline

 
Monsieur Dupont sortit de chez lui à seize heures pour se rendre à son rendez-vous. Arrivé sur place, il attendit trente minutes avant que mademoiselle Durand n’arrive.
 
Albert Dupont s’était mis sur son trente-et-un. Il partit pour son rendez-vous fixé à seize heures trente. Il arriva en avance, commanda un café, puis un autre. Alors qu’il allait boire le troisième, finalement mademoiselle Durand arriva.
 
C’était le grand jour , pour l’occasion il s’habilla comme un prince. Il vérifia encore une fois sur son agenda l’heure et le lieu de son rendez-vous. En partant à seize heures pile, il lui faudrait quinze minutes pour se rendre au café de la paix, il serait en avance et c’était bien vu pour un rendez-vous amoureux. Il commanda un café pour patienter, puis comme son courage s’évanouissait, il commanda un cognac. Il allait en prendre un autre, quand la belle apparut.
 
Il avait marqué ce jour en gros sur son agenda . Il essaya tous ses habits et finalement opta pour la tenue «crooneur des plages». Il imprima la trajectoire la plus courte trouvée sur internet, l’étudia et après maints calculs, en conclut qu’il était temps de partir. Il s’était trompé et arriva trop tôt. Il entra dans le café, choisit l’endroit le plus romantique, installa des fleurs sur la table, le piège était prêt. Pour patienter, il commanda un cognac, puis un autre et encore un, jusqu’à ce que le garçon fatigué lui laissa la bouteille. Il attaquait la moitié de celle-ci quand la retardataire entra.
 
De son armoire, il sortit son costume de dragueur préféré, se servit un cognac , se parfuma à volonté, se resservit un cognac et fila à son rencart. Pour une fois il était à l’heure, elle pas. Il était familier du lieu, le barman l’ayant déjà ramené plusieurs fois chez lui, car il était trop bourré. Il s’assit au comptoir, on lui servit un cognac, on connaissait ses habitudes. Après quelques verres, il s’enthousiasma et offrit une tournée générale. Il y eut  une explosion de joie qui lui donna envie de chanter. Il était fort pour ça et tout le monde l’encourageait. C’est au moment où il s’attaquait aux chansons paillardes que la pétasse rappliqua.   
 malib’
 

Chemin terreux sur lequel tu t’avances prudemment, à quelques mètres devant moi, slalomant entre les feuilles. La règle du jeu consiste à éviter tout ce qui peut t’amener vers la sortie du sous-bois en un seul morceau, c’est-à-dire mettre le pied en sûreté sur une surface stable, dégagée, qui ne présente pas en apparence de danger tel qu’une mine antipersonnelle. Cette prudence ne dessert que sa propre survie. Tu y vas donc tranquillement et je suis scrupuleusement tes empreintes. Je t’entends vaguement chanter, sûrement ton remède contre la peur mais je ne reconnais pas cet air. Ma plus grande crainte est que nous soyons perdus et que nous n’arrivions pas à retourner au village de Parabia. À cette pensée j’en ai le souffle court. Jamais je n’aurais imaginé il y a deux semaines que ce voyage humanitaire m’amènerait à traverser la forêt amazonienne avec toi devant, mon guide, mon protecteur, mon démineur. Ma mémoire me permettra-t-elle de garder cette expérience comme page de mon histoire que j’espère bientôt fermer.
celine b